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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/537

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III. – ETUDE SUR LOUIS-PHILIPPE. – SON HUMANITE. – SA CLEMENCE. – DEUX MOTS SUR LE 24 FEVRIER.

En poursuivant les calomniateurs sur le terrain de la liste civile, je me suis efforcé de mettre en relief l’esprit pratique propre au roi Louis-Philippe dans l’administration de ses affaires, surtout les habitudes de sa vie, la tendance de ses idées, les traits saillans de son caractère. L’étude serait toutefois incomplète, si, de la direction des intérêts positifs, où se prouve un grand esprit, elle ne s’élevait aux sentimens qui peignent une grande ame, et qui marquent à Louis-Philippe le rang particulier que lui gardera l’histoire. Dieu l’avait fait bienveillant et doux. L’apaisement des passions humaines, la préservation universelle par l’anéantissement progressif du mal moral, avaient été les rêves philosophiques de sa jeunesse. Le plus bel attribut de sa royauté fut pour lui de les réaliser dans la mesure de ses forces et, les ermites de sa puissance. Sous ce rapport, la vie tout entière de Louis-Philippe présente le double et essentiel caractère de la persévérance et de l’unité.

Dès sa jeunesse, le duc de Chartres développa dans ses entretiens et dans ses correspondances[1] cet amour éclairé de la paix qui devait plus tard sur le trône guider sa politique. Au moment même de s’honorer par son courage dans la guerre, le brillant officier la regardait dès-lors comme un des plus grands fléaux de l’humanité. L’âge et l’expérience avaient profondément enraciné dans son ame cette conviction précoce, et plus tard le roi m’a souvent parlé de la douleur véritable où l’avait toujours jeté la vue d’un champ de bataille. En jour de visite à Versailles, il parcourait les salles du rez-de-chaussée de l’aile du midi, consacrées aux victoires de l’empire. Il avait entamé avec moi cette thèse inépuisable de la paix et de la guerre, sur

  1. Voici en quels termes il s’exprimait en 1792, dans une lettre à M. Th. de Lameth,
    Valenciennes, octobre 1792.
    « Mon cher monsieur, me voilà ici depuis hier ; j’y ai trouvé une nouvelle mission. Comme le plus ancien colonel de la division, j’ai dû prendre le commandement de la place, et je suis fort occupé.
    « Je viens de recevoir l’avis du décret rendu contre les princes français. Quelle que soit mon opinion sur cet acte, je m’y soumets avec le respect que j’aurai toujours pour les lois de mon pays ; mais je crains bien que les princes de ma famille, qui n’ont rais été élevés comme j’ai eu le bonheur de l’être, ne voient dans ce décret une occasion d troubles, et que dans leur intérêt même ils ne soient disposés à le combattre par la guerre étrangère, la guerre que je regarderai toujours comme le plus terrible fléau de l’humanité. Je ne sache pas de plus grand malheur pour une nation.
    « Adieu, monsieur ; vous connaissez tous les sentimens de votre affectionné. »