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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/572

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petite guerre où ; les régimens engagés se mettraient à prendre leur rôle au sérieux. S’il en était malheureusement ainsi, et que la Prusse se risquât tout de bon, il n’y aurait plus alors à douter que la Russie ne prit parti contre elle. Les prétextes ne manqueraient pas. La conduite pitoyable du gouvernement prussien vis-à-vis du Danemark ferait un chemin tout tracé pour une intervention russe. Nous ne croyons pas du tout, malgré les prétendues révélations de la presse anglaise, que la France ait rien à faire sur le Rhin, sous prétexte d’un concert avec les Russes : ni l’entreprise, ni le concert ne nous plairaient ; mais la Prusse n’en serait pas plus à l’aise le jour où, avec les Russes en Silésie, elle aurait à faire face aux armées de l’Allemagne méridionale dans ce pauvre pays de Hesse, si cruellement sacrifié à la rivalité des grandes puissances.

Nous pressons un peu cette esquisse générale de la situation allemande, parce que nous réclamons encore quelques instans pour un intermède qui se joue maintenant à part dans un coin du tableau. Au milieu de la grande pièce politique dominée entièrement par l’intérêt européen, il en est une autre beaucoup plus petite, qui ne tire point assurément si fort à conséquence, mais qui ne laisse pas d’être curieuse par l’originalité même de son caractère tout local. Nous parlons ici de la crise ministérielle qui tient toujours en suspens le gouvernement du Hanovre, et qui, tantôt accélérée, tantôt ralentie, n’aboutit à rien de définitif. Nous saisissons cette occasion de montrer pour combien il faut souvent compter les influences particulières des personnes et des lieux, lorsqu’on cherche à se faire une idée quelque peu précise des événemens extérieurs. Voici la sixième fois que le ministère dirigé par M. Stuve aura cette année donné sa démission pour la reprendre : en moins de quinze jours, on a vu à la cour de Hanovre la retraite du cabinet de M. Stuve, la formation laborieuse d’un nouveau cabinet sous la haute main de M. Detmold, la retraite de ce cabinet devant M. Stuve lui-même, qui reste jusqu’à présent maître du terrain, autant du moins qu’il peut l’être sous le bon plaisir du roi, Le mot de toutes ces variations est dans la position respective du roi, de M. Detmold et de M. Stuve ; il y a là des traits de nature qui impriment à toutes ces vicissitudes une physionomie bien purement germanique.

Le Hanovre a plus encore peut-être qu’aucun pays de l’Allemagne cette caste de hobereaux qui formait naguère, en beaucoup d’endroits au-delà du Rhin, non pas seulement dans la société, mais aussi dans l’état, une sorte de parti nobiliaire. Lorsque le roi Ernest-Auguste brisa violemment la constitution en 1837, ce fut pour s’entourer de cette noblesse entêtée de ses privilèges, et la brutalité du vieil esprit hanovrien se joignit à la rudesse britannique avec laquelle le vieux souverain se hâtait d’entrer en jouissance du pouvoir absolu. Il prit ses ministres dans ce corps antique et exclusif des hobereaux, et il écarta complètement des hautes fonctions les représentans d’une bourgeoisie qui était cependant l’une des plus éclairées de l’Allemagne. La révolution de 1848 amena tout de suite au pouvoir les hommes qui, même sous le régime absolu, avaient su prendre une attitude d’opposition, mais d’opposition raisonnable, et l’opinion libérale d’un pays d’ailleurs très sage se trouva satisfaite d’un changement qui ne menait point à des tendances exagérées ou violentes. On en revint au système parlementaire d’avant 1837, et, grace au froid et ferme caractère de