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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/573

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ces populations de souche saxonne et frisonne, le Hanovre n’eut point trop à souffrir des maux qui désolèrent l’Allemagne en 1848. Il y a dans cette petite nation l’étoffe d’un état aussi sérieusement constitutionnel que l’Angleterre ou la Hollande.

De tous ceux qu’élevaient ainsi les événemens de 1848, le plus connu était M. Detmold, aujourd’hui ambassadeur de Hanovre à Francfort, et qui, avant d’occuper ce poste qu’il doit à la confiance de M. Stuve, avait rempli les fonctions de ministre de l’empire pendant le vicariat de l’archiduc Jean. C’était un peu un ministère in partibus ; mais M. Detmold s’en tirait en homme d’esprit, et nul n’avait en effet plus que lui, dans toute l’Allemagne, même avant sa transformation en homme politique, la réputation d’un homme d’esprit. Fils d’un médecin distingué de Hanovre, il était revenu vivre dans sa ville natale après avoir étudié, voyagé à la façon allemande, et il avait pris le titre plus que la profession d’avocat, dont l’exercice à huis-clos, tel que le comportait l’organisation judiciaire du Hanovre, n’avait rien d’attrayant pour sa vivacité. Disgracié de la nature, contrefait sans que sa difformité le rendît ridicule, M. Detmold devint presque une puissance dans ce monde, il est vrai un peu étroit, des petites cités de l’Allemagne du nord ; on redoutait, en l’absence de toute autre tribune, ses saillies et ses épigrammes, et l’on capitulait avec son humeur sarcastique. Ce furent ces sarcasmes qui, en le rangeant parmi les adversaires de l’ordre établi, lui firent une renommée plus libérale qu’il ne se souciait peut-être lui-même de l’avoir. Ce n’est point en effet un homme de théories qui se passionne avec les idées ; comme le disait spirituellement un critique qui l’a très bien jugé, le Zollverein n’est pas pour lui une conception patriotique et providentielle ; c’est un moyen de faire renchérir le thé, le sucre et le café, et d’augmenter ainsi le produit des douanes. On comprend qu’un politique qui donnait si peu dans l’idéalisme dût être médiocrement enthousiaste des fantasmagories de la docte assemblée de Saint-Paul. Aussi lui reproche-t-on encore d’avoir dormi plus d’une fois à son banc de ministre du nouvel empire, lorsqu’on discutait les intérêts les plus urgens de la grande patrie germanique. Le sentiment le plus vif qu’il ait gardé de ce temps-là, c’est probablement le désir de se venger des mauvais tours que lui jouait alors le parti prussien, et il faut attribuer à ce besoin de représailles autant sans doute qu’à son peu de goût pour les visées trop chimériques la précipitation avec laquelle il a engagé son gouvernement dans la politique anti-prussienne de la diète de Francfort.

Nous avons dit comment l’affaire de Hesse-Cassel n’était en quelque sorte que le terrain où se débattait pour l’instant l’éternel litige de l’Autriche et de la Prusse. Instrument avoué du parti autrichien, la diète de Francfort a voulu condamner le plus directement possible la refonte du système germanique que la Prusse poursuit, en affectant de restaurer purement et simplement l’ancien système de 1815. La résistance si fondée du peuple hessois n’a été pour la diète qu’une occasion de frapper sur la constitution prussienne du 26 mai, sur la nouvelle Allemagne d’Erfurt, en proclamant la perpétuité du vieux droit institué par le pacte de Vienne. C’est ainsi que la diète de Francfort a promulgué, le 21 septembre dernier, un arrêté fédéral qui, sans avoir égard aux circonstances, infligeait aux Hessois l’application des articles 57 et 58 de l’acte final de Vienne, des articles 1 et 2 de l’arrêté du 28 juin 1832, à cette fin principale