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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/590

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Il était à peine de retour, que son opinion, dont il commençait à ne plus faire mystère, reçut une éclatante confirmation. Quelques parties de la fresque, entre autres la tunique du saint Thomas, n’avaient encore été qu’imparfaitement lessivées : lorsqu’on vint à nettoyer cette tunique avec plus de soin, on reconnut, sur un galon bleu et or qui la borde, vers le haut de la poitrine, des lettres très légèrement tracées et entremêlées de quelques arabesques. La dorure qui les avait jadis recouvertes était à moitié détruite, mais les parties qui n’étaient plus dorées se distinguaient encore par une certaine saillie, un certain empâtement de la couleur. On aperçoit d’abord un R suivi d’un A et d’un P entrelacé avec la partie inférieure d’un L. Ces trois lettres, les plus endommagées de toutes, étaient suivies de trois autres beaucoup plus visibles : savoir un V, un R et un S, les deux dernières entrelacées ensemble. Venaient ensuite un A et un D en partie effacés, puis enfin le millésime MDV. Ces abréviations pouvaient se traduire ainsi : Raphael Urbinas, anno Domini 1505.

La découverte fit du bruit dans Florence : on commençait à parler de la fresque et des conjectures de ses deux restaurateurs ; mais la foule, peu confiante dans une œuvre anonyme, ne se hâtait guère d’accourir ; dès qu’il fut question d’une signature, on arriva de tous côtés. Chacun examina, contrôla, mais personne, il est bon de le dire, n’eut seulement la pensée de soupçonner une supercherie. Le caractère bien connu de MM. della Porta et Zotti en excluait l’idée, et les yeux les moins exercés reconnaissaient tout d’abord qu’il n’existait sur cette partie de la fresque aucune retouche, aucun travail fait après coup. Seulement quelques sceptiques se demandèrent si c’était bien là des lettres : la forme leur en semblait indécise. N’était-ce pas un caprice involontaire du pinceau qui avait produit ces caractères parmi tous les méandres tracés sur ce galon ? D’autres, faisant moins belle part au hasard, ou armés de meilleurs yeux, admettaient bien les lettres, mais ils étaient érudits et soutenaient que Raphaël, à aucune époque, n’avait signé ses œuvres par de simples initiales ou par des abréviations entremêlées ainsi de méandres et d’ornemens. Il leur fut aussitôt répondu que, sur la petite Sainte-Famille de Fermo, une des productions les plus authentiques de la jeunesse de Raphaël, on trouve les lettres suivantes : R. S. V. P. P. E. S. 17. A. 1500, c’est-à-dire Raphael Sanctius Urbinas pinxit Perusiæ ætatis suæ 17 anno 1500. En outre, on leur cita la célèbre madone conservée chez les Niccolini, passée depuis en Angleterre, et gravée par Perfetti ; sur le galon qui borde le corsage de la madone ne voit-on pas les chiffres de l’année où le tableau fut peint, puis de légers ornemens, puis immédiatement après ces deux lettres R. V : Raphael Urbinas (ou Raffaello Urbinate, selon qu’on traduit les initiales en latin ou en italien) ? D’autres exemples,