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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/591

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non moins concluans, furent encore signalés, et l’objection demeura sans valeur ;

Pendant que s’agitaient ces discussions microscopiques sur le galon de la tunique de saint Thomas, une circonstance plus décisive vint trancher le débat, et mit pour un moment les plaideurs hors de cour.

La famille Michelozzi, de Florence, possédait par héritage, depuis environ deux cents ans, une précieuse collection de dessins originaux. Parmi ces dessins, on remarquait avant tout plusieurs feuilles de croquis et d’études qu’une tradition non interrompue attribuait à Raphaël. Un artiste florentin, M. Piatti, ayant acquis cette collection, en céda la moitié, il y a quelques années, à M. Santarelli, sculpteur habile, et déjà possesseur d’un riche cabinet. Les dessins de Raphaël furent partagés entre eux. Ces dessins se composaient de têtes, de mains, de pieds étudiés avec grand soin, et de quelques figures d’hommes qu’on pouvait supposer assis derrière une table, car une ligne tracée au crayon les coupait à mi-corps, et, au-dessous de cette ligne, on ne voyait plus ni vêtemens ni draperies, mais seulement des cuisses et des jambes nues et à peine indiquées par un simple trait. Ces croquis avaient évidemment servi de préparation à quelque tableau ; mais à quel tableau ? On avait beau chercher, les œuvres connues du grand maître n’offraient rien qui se rapportât à ces études, et on en concluait que, selon toute apparence, le tableau n’avait jamais été exécuté. Certaines figures dans la Dispute du Saint-Sacrement, et particulièrement celle de David, rappelaient, il est vrai, quelques-unes des têtes esquissées sur ces feuilles de papier ; mais elles les rappelaient seulement par analogie, par un certain air de famille, et sans qu’on pût établir aucune relation directe entre les dessins de la collection Michelozzi et la fresque du Vatican.

Il n’en devait pas être ainsi de la fresque de S. Onofrio. Lorsque M. Santarelli entra pour la première fois dans l’atelier de la rue Faenza, il se trouva dès l’abord en lieu de connaissance. Ces têtes d’apôtres, il les avait admirées cent fois : elles n’étaient, pour la plupart, que la reproduction fidèle de ses dessins et de ceux de M. Piatti ; le saint Pierre surtout, esquisse étudiée avec plus de précision que les autres, et terminée même dans sa partie inférieure, avait été reproduit trait pour trait sur le mur. C’était un des dessins de M. Piatti. M. Santarelli en possédait une variante, moins achevée et évidemment antérieure. D’autres figures, le saint André, le saint Jacques majeur, se retrouvaient également dans cette collection Michelozzi. Les dessins furent apportés devant la fresque : on les confronta ; l’identité n’en parut contestable à personne. Pour ceux qui les connaissaient déjà, et qui, familiers avec le faire et le sentiment des dessins de Raphaël, ne pouvaient mettre en doute qu’ils fussent de sa main, la preuve était sans