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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/832

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La terreur regardée comme utile dans le passé, le fatalisme historique appliqué à la révolution, enfin cet optimisme à la mode qui nous persuade que le bien naît souvent du mal, préparation, pour ainsi dire, qu’il faut savoir accepter, provoquer même, voilà encore des idées que les historiens révolutionnaires ont en général fort contribué à répandre, et dont l’influence s’est visiblement manifestée dans les derniers temps. Sans rentrer dans des discussions épuisées, je dirai un mot de chacune de ces erreurs. Admettre la terreur comme ayant pu avoir son utilité et sa nécessité dans certaines circonstances, et condamner ceux qui la jugent nécessaire dans notre temps, c’est faire descendre une question de morale à une mesure d’appréciation relative : ce serait, pour ainsi dire, se lier les mains, si l’on avait coutume de demander toujours à la logique la permission de penser et d’agir. Si nous voulons nous débarrasser du système de la terreur en politique, commençons par nous en défaire en histoire. Au fond, qu’a-t-il été et que pourrait-il être ? Un véritable système d’enfans quant à sa valeur, le plus énorme des cercles vicieux, une machine bonne tout au plus à broyer les obstacles qu’elle-même aurait soulevés. La terreur ne fit guère autre chose. Antérieure, notons-le bien, aux mouvemens les plus menaçans des factions qu’elle provoqua, inaugurée quand l’ennemi déjà était partout vaincu et repoussé, toute sa besogne en définitive consista à écraser à force d’excès la résistance qu’elle avait centuplée à force d’excès : vieille recette de toutes les tyrannies, nécessité bien connue de soutenir la violence par la violence, de laver le sang dans le sang. Le résultat le plus net de la terreur a été, tant par elle-même que par les disciples qu’elle a faits, de calomnier la liberté et de susciter à la révolution, en ce qu’elle a de meilleur, cinquante ans de retards et de représailles.

Qu’on trouve, si l’on peut, une doctrine plus propre que le fatalisme révolutionnaire à énerver et à décourager la France, à l’endormir en face de difficultés qui demandent toute son énergie. Bien comprise au contraire, la révolution nous montre avant tout la lutte et la puissance de la volonté humaine. C’est cette volonté qui donne le branle aux principaux événemens, qui paraît sur la brèche dans ces combats à mort de deux générations, de deux sociétés, tantôt audacieuse d’initiative, tantôt héroïque de résignation, trop souvent, hélas ! dans les assemblées, lâche et tremblante. Le vrai fatum de ce grand drame, c’est l’audace et c’est la peur. Au lieu d’enchaînement irrévocable, d’irrésistible fatalité, disons hardiesse ou faiblesse des individus. On a beaucoup trop incliné à croire, dans ces derniers temps, que la vie des peuples était soumise à des lois presque entièrement différentes de la vie individuelle ; dans le vrai, pour celle-là comme pour celle-ci, ce ne sont pas les fautes, mais seulement leurs conséquences,