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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/900

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Tout ceci s’appelle de nos jours communisme, socialisme, radicalisme ; ce n’est que la suite naturelle du romantisme et du dénigrement voltairien. L’ame de ces théories date de loin, seulement elle a pris corps plus ouvertement dans ces dernières années, elle a parlé plus haut, et peu à peu elle s’est emparée des masses, de la jeunesse surtout, sans qu’on l’inquiétât trop non plus. Je ne voudrais pas grossir le mal, déjà assez grand. De même que les mœurs, je crois, étaient allées s’améliorant même durant la fièvre byronienne, il se pourrait que les saines idées politiques eussent gagné du terrain même durant la fièvre socialiste ; mais ce n’est là qu’un nouveau chef d’accusation contre la raison de notre pays, une preuve de plus qu’en progressant dans son coin, elle a abandonné l’opinion publique à la merci des étourderies. Nous sommes payés pour savoir combien de docteurs ont publiquement exercé l’art de résoudre tous les problèmes en comptant sur ce qui n’existe pas et en ne tenant pas compte de tout ce qui existe. Après bien des siècles de lutte contre l’ignorance, l’humanité était péniblement arrivée à augmenter ses connaissances : elle avait reconnu, par exemple, que le désir et l’espérance étaient les principes de l’activité, que la menace de la misère servait à empêcher la paresse, que la crainte des souffrances entraînées par toutes nos fautes était l’inflexible institutrice chargée de démasquer les erreurs et de nous faire renoncer à nos aberrations. Elle avait encore compris comment le producteur n’est pas seulement le bras qui exécute, mais surtout la pensée qui imagine et dirige, comment aussi il faut que beaucoup puissent vivre sur les produits accumulés du travail de la veille ou du travail de leurs pères, pour que les multiples capacités qui sont les organes des sociétés avancées soient à même de se développer librement et à leur loisir. Toutes ces découvertes, ou plutôt toutes les facultés qui composaient notre clairvoyance, étaient bien notre plus riche héritage, la prime chèrement payée par nos pères pour nous assurer contre les risques de l’ignorance, et cependant les sentinelles avancées ne se sont point émues devant ceux à qui il a plu de jeter au feu ces archives de la raison. Et si quelques voix se sont élevées contre celles qui mettaient ainsi en accusation la famille, la propriété, le capital, elles n’ont point réussi à les couvrir ; il a été possible aux novateurs de se faire accepter comme de puissans explicateurs de toute chose, eux qui venaient tout expliquer par le procédé héroïque des myopes, en ne voyant partout que des monstruosités, des effets inexplicables, eux qui, au XIXe siècle, osaient nier que des faits comme la famille fussent sortis de la nature humaine, et que la nature humaine fût précisément l’ensemble des lois et des instincts qui les avaient pu produire.

La frayeur, je le sais, s’est enfin éveillée ; mais il est bien tard. On n’a ni bafoué ni flétri les systèmes qui, loin d’être la synthèse de nos