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Page:Revue des Deux Mondes - 1850 - tome 8.djvu/918

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parfaitement la gravure sur bois ainsi que l’attestent les cartes à jouer figurées de la sorte et plusieurs images de sainteté ; mais, à part ces divers monumens de l’art de la gravure en relief, il n’y a pas d’estampe antérieure aux épreuves des nielles florentins ; en d’autres termes, ces épreuves furent les premiers produits de planches gravées en creux. C’est ce qui demeure hors de doute depuis le jour où l’abbé Zani, visitant, vers la fin du siècle dernier, le cabinet des estampes à la bibliothèque de Paris, y retrouva, imprimée sur papier à une date incontestable, certaine composition gravée sur argent par Finiguerra. M. Duchesne aîné, conservateur du cabinet des estampes, a trop bien raconté le fait dans son savant Essai sur les nielles et trop nettement restitué à l’artiste et à l’érudit italiens leur part inégale de gloire, pour qu’il soit permis désormais de revenir sur une question long temps débattue et définitivement jugée. L’âge de la découverte est authentique, et les conjectures ne peuvent plus porter que sur l’historique des tentatives premières.

Jamais, bien entendu, les savans n’ont consenti à se mettre d’accord sur ce dernier point. Les uns prétendent qu’un jour où il voulait apprécier exactement l’effet d’une planche, Finiguerra tira une contre-épreuve de l’empreinte prise en terre comme de coutume, et que, remplissant de noir de fumée les parties concaves de cette contre-épreuve, il donna à l’ensemble l’aspect anticipé de son nielle ; puis il aurait réfléchi qu’en introduisant le noir dans les tailles mêmes, en substituant à la terre un corps susceptible d’impression colorée, il remarquerait mieux encore les défauts de la gravure, dont il pourrait, en outre multiplier le résultat. Après des essais progressifs, il en serait venu à l’emploi du noir délavé et du papier humide, et dès-lors le succès de l’opération fut assuré. — D’autres assignent à la découverte une origine plus fortuite, mais tout aussi probable. Une femme avait, en l’absence de l’orfèvre, déposé, sur l’établi où il travaillait d’ordinaire, un paquet de linge qu’elle venait de laver. Finiguerra rentre dans son atelier ; voyant ce paquet qui couvrait une planche sur le point d’être niellée et dont les tailles étaient déjà remplies de noir, il l’enlève ; le jette à terre, et s’aperçoit en même temps que le linge mouillé a gardé l’empreinte de tout le travail de la gravure. De là une suite de recherches et d’expériences, au bout desquelles il arriva à la possession du secret. Il y initia ses amis, et bientôt Baccio Baldini, Botticelli, artistes déjà célèbres à d’autres titres, ajoutèrent à leur réputation par des œuvres d’un nouveau genre ; enfin en 1477 parut chez un marchand de Florence il Monte santo di Dio, le premier livre illustré de gravures, du moins de gravures sur métal.

La gravure ne tarda pas à être pratiquée dans d’autres villes de ! ’Italie, mais elle ne le fut nulle part avec autant de succès qu’à Rome,