Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/1061

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

phéniciens, puisqu’ils apportent l’écriture, — d’une civilisation plus avancée chez ces pauvres Pélasges ou lones de la Grèce, ces mêmes Ionni vêtus de peaux et tatoués dont Champollion a lu le nom sur d’antiques monumens de l’Égypte. Ces prêtres avaient sans doute formé un corps de prophètes ou de prométhées indigènes dans leurs colonies, qui devinrent des cités. Quoi qu’il en soit, tout, dans Eschyle, représente Prométhée comme une autorité prépondérante chez les Titans, et rien ne saurait s’expliquer dans le drame sans l’intérêt de race qui domine entièrement l’action.

Maintenant qu’est-ce, dans Eschyle, que ce Jupiter, l’antagoniste de Prométhée, l’envahisseur que les guerriers indigènes repoussent, et qui finit par les emprisonner dans une légion de l’ouest appelée le Tartare et par enchaîner leur prophète sur la montagne ? Tout ce qu’en dit Eschyle le représente comme un dieu étranger, un usurpateur violent venu d’Égypte ; c’est un culte étranger introduit par force, par conséquent une société étrangère, une invasion. Les premières aventures de ce dieu ne sont que la reproduction de celles d’Osiris, un peu modifiées par l’exigence des lieux, quand on a transporté cette histoire sur le sol de la Grèce. Poursuivi par Typhon, comme Osiris, jusqu’en Syrie, délivré par Rhéa et Hermès, comme le dieu égyptien par Isis et Horus, — de la Crète, dont les traditions égyptiennes sont empreintes dans le nom de Minos ou Menés, il vint attaquer le Péloponèse par Lerne, autre localité pleine des souvenirs d’Égypte, et où, du temps de Pausanias, dix-huit siècles plus tard, il se célébrait encore des mystères si redoutables, que l’écrivain voyageur déclare n’oser point s’en expliquer. C’est aussi dans un canton du Péloponèse, à Sicyone, la plus vieille des cités cyclopéennes, par où l’art égyptien s’est introduit dans la Grèce, qu’Hésiode place la scène de la transaction essayée entre Prométhée et Jupiter. Pendant que celui-ci est a Lerne, une partie de la population, figurée par la nymphe Io, veut se joindre à lui ; mais Inachus s’y oppose, appuyé par les dieux et les oracles indigènes, par Delphes et par Dodone. Ainsi le rapporte Eschyle, et c’est, comme on voit, la répétition du fait des Titans, qui ont aussi repoussé l’intrus. C’est en Égypte qu’Io, selon la prédiction que lui en fait Prométhée, ira le rejoindre pour l’épouser, et former dans le delta du Nil une colonie qui reviendra un jour avec Danaüs dans sa première patrie, dans la terre promise des Pélasges.

Le témoignage d’Eschyle est donc parfaitement clair ; il ne confirme point l’opinion des indianistes modernes, qui voudraient faire dériver toute la civilisation grecque des bords de l’Indus ou du Gange, ni celle des anciens hébraïsans, qui l’expliquent aussi tout entière par la Judée ou la Phénicie. Sans rejeter ces élémens historiques, on