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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/306

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Dans le reste de l’Europe, l’émulation n’est pas moins vive. La France, qui consommait 300,000 balles il y a quatre ans, en a acheté 427,174 pour la campagne 1852-53. Presque tous nos filateurs augmentent leur matériel. On estime qu’avant peu 500,000 broches seront ajoutées aux 4 millions que nous possédons déjà. Il y a en Russie, sous la protection du monopole, des manufactures disposant de 700,000 broches qui déjà mettent en œuvre 20 millions de kilogrammes. Dans la sphère du Zollverein allemand et surtout en Saxe et en Bavière, des droits protecteurs ont surexcité également la fabrication : on y compte 815,000 broches. La Suisse est arrivée à (500,000 broches, et elle consomme actuellement 8 millions de kilogrammes. Nous ne savons pas si les manufactures de l’Italie et de l’Espagne ont produit en 1852 plus que de coutume; mais, ayant aussi perfectionné leur matériel, elles ont augmenté leurs approvisionnemens en matières premières.

Quant aux progrès des manufactures aux États-Unis, c’est un des faits les plus considérables de notre temps. On commence à s’en inquiéter beaucoup en Europe. Les premiers essais de fabrication eurent lieu à Lowell il y a moins de trente ans. Cette petite ville du Massachusetts n’était encore en 1822 qu’un bourg de trois à quatre mille âmes. Une compagnie de spéculateurs, entrevoyant le parti qu’on pouvait tirer des cours d’eau qui sillonnent le district, y acheta des terres, les améliora par divers travaux de colonisation ou de terrassement, et les revendit par lots aux entrepreneurs d’industrie qui se présentèrent successivement. Douze sociétés, dont neuf sont exclusivement consacrées à la filature et au tissage du coton, se constituèrent pendant le cours d’une vingtaine d’années. En 1849, leur capital d’établissement, réalisé par actions, était évalué à 65 millions de francs, et ces ressources seraient décuplées au besoin par le concours que leur prêtent les banques du Massachusetts, au nombre de cent trente pour cet état seulement[1]. Dans cette seule petite ville de Lowell, qui ne compte pas plus de 33,000 habitans, 300,000 broches étaient mises en mouvement, il y a quatre ans, par des chutes d’eau magnifiques équivalant à une force motrice de 10,600 chevaux. Or, depuis cette époque, à la faveur des nouveaux tarifs qui

  1. Le capital de ces cent trente banques est de 150 millions de francs, pour une population inférieure à un million d’âmes. La France n’a qu’une seule banque ayant pouvoir d’émettre des billets au porteur, et, pour 36 millions d’âmes, son capital et ses réserves ne sont que de 108 millions. La différence à notre préjudice est dans la proportion de là 50.