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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/343

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il se trompait d’autant plus à notre sens, que la plupart des conséquences désastreuses qu’il voyait sortir de la combinaison adoptée définitivement ne se sont point réalisées. Là où il ne se trompait pas, c’est dans l’analyse pleine de sagacité et de profondeur à laquelle il a soumis tous les événemens de ce dernier demi-siècle, tous les élémens de la société espagnole. Tous ces fragmens, réunis aujourd’hui dans ses écrits politiques, — la Stérilité de la révolution, — la Religiosité de la société espagnole, — la Force du pouvoir et la monarchie, — l’Aristocratie et la démocratie en Espagne, — l’Origine, le caractère et les forces des partis politiques, — l’Incertitude du gouvernement, — la Prépondérance militaire,- — la Réforme de la constitution, etc., — tous ces fragmens sont plus que des articles de journaux, ce sont des chapitres d’histoire sociale et politique qui remettent en scène tout un ensemble de faits et d’idées, et où se révèle en mille traits, en mille aperçus, un des plus ingénieux et des plus remarquables observateurs non-seulement de l’Espagne, mais de tous les peuples aux prises avec les difficultés et les complications de la vie moderne.

Parmi les morceaux de Balmès, il en est un d’un titre presque paradoxal, et qui ne fait que mettre plus vivement en saillie un des côtés les plus graves des crises morales où se débat notre siècle; c’est ce fragment qu’il intitule : Il y a des temps pires que les révolutions. Quels peuvent donc être ces temps ? « Ce n’est pas le plus grand malheur pour une nation, dit l’auteur, que le sang de ses enfans coule sur les champs de bataille. Après des guerres formidables qui ont décimé la jeunesse, il arrive parfois que les peuples se retrouvent plus virils et plus forts, comme le guerrier qui manie plus fièrement l’épée d’une main cicatrisée par les blessures. Ce n’est pas non plus le plus grand malheur qu’un système politique tombe en ruine, et que l’ancienne machine de l’état, en se disloquant, laisse la place à quelque organisation nouvelle mieux adaptée aux circonstances. Dieu n’a pas fait la société si inféconde qu’elle ne puisse se gouverner que d’une manière et par un système unique. La raison, l’histoire, l’expérience, prouvent que, sauf les principes tutélaires dont en aucune situation les sociétés ne se départissent impunément, les combinaisons de gouvernement peuvent varier. Le malheur le plus grand encore, ce n’est point qu’au milieu des bouleversemens et des hasards d’une époque tourmentée, des intérêts matériels respectables aient été atteints, ni même que quelques-uns aient été détruits en totalité. Dans la vie des nations, les intérêts matériels entrent certainement pour beaucoup; mais rarement il arrive que la perte ou la disparition de quelques-uns d’entre eux précipite la ruine de la société... Tous ces malheurs sont graves,