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les environs sur une grande échelle. Cette industrie spéciale n’entraînant que de très minimes frais de main-d’œuvre, le bas prix des matières premières est une des principales conditions de sa prospérité. Comme Montpellier est assez favorisée sous ce rapport par le voisinage des montagnes, où paissent de nombreux troupeaux, l’industrie des couvertures paraît assurée d’y conserver son importance actuelle.

Dans le vaste territoire occupé par la seconde branche de la famille manufacturière du Languedoc, la variété n’est pas le trait distinctif du travail. Une fabrication consommant partout les mêmes matières, munie des mêmes moyens de force, y domine toute autre industrie. Et pourtant, quoique la besogne journalière se ressemble pour l’immense majorité des ouvriers, les mœurs et les caractères n’en présentent pas moins dans les principaux groupes des contrastes complets. Est-ce parce que les cités manufacturières sont séparées par des montagnes qui les isolent les unes des autres ? Est-ce parce que l’industrie, n’y datant pas d’une même époque, n’a pu façonner également les habitudes ? Bien que ces circonstances influent sur la situation, les différences signalées nous semblent pour la plupart provenir d’autres causes. À mesure que l’état industriel se développe davantage dans le midi, on tâche de plus en plus d’imiter les procédés de nos départemens du nord. L’uniformité dans le régime du travail est au bout de pareilles tentatives. En ce qui touche les mœurs au contraire, les diverses localités n’ont pas les mêmes raisons d’abdiquer leur physionomie originelle ; leur caractère primitif s’épanouit avec tout le laisser-aller des instincts méridionaux.


II. — MOEURS ET CARACTÈRES.

Dans la plupart de nos contrées industrielles, quand on visite les grands centres du travail, on est volontiers attiré vers les populations laborieuses par une certaine naïveté de langage qui semble chez elles exclure la dissimulation, par un certain élan qui dénote la vivacité des impressions. Les ouvriers de Lodève font exception : c’est une des populations les moins avenantes qu’on puisse imaginer. Regardant avec défiance tout élément étranger à leur propre cercle, ils affectent un air revêche, provocateur et suffisant ; ils semblent craindre incessamment qu’on ne fasse pas à leur importance une part assez large. Simples chez eux, ils ont l’ambition de compter au dehors, et ils le laissent voir assez brutalement. Il faut les connaître davantage, il faut avoir pénétré dans leur vie intérieure, pour leur accorder une sympathie qu’à première vue on se sent porté à leur refuser, On les trouve toujours très sensibles à la moindre