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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/381

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embarrassés et mornes de la cité. Enfin on annonça que des forces militaires approchaient, et l’attroupement, déjà réduit, se dispersa de tous côtés. Affligeant spectacle ! Voilà l’émeute telle que le socialisme l’avait préparée. Pas une idée ne s’échappe de l’agitation; il n’est point question de liberté ni de ces principes abstraits qui, s’ils n’absolvent pas les égaremens d’un jour, en modifient du moins le caractère. En plein XIXe siècle, en pleine civilisation chrétienne, on n’a sous les yeux que les plus sauvages instincts matériels mariés à une brutale ignorance.

Les ouvriers de Mazamet n’ont point subi aussi profondément que ceux de Lodève et de Bédarieux le contre-coup de nos agitations politiques. La révolution de février n’aurait probablement éveillé aucune émotion dans la Montagne-Noire, si la fabrique n’avait alors traversé une période critique qui devait être le point de départ de nouveaux progrès, mais qui pour le moment alarmait les masses et les prédisposait à l’agitation. On venait en effet d’importer les métiers mull-jenny, et les fileurs craignaient de voir arracher de leurs mains la plus grande partie de leur travail. Ln mois s’écoula cependant avant que l’inquiétude des ateliers débordât sur la place publique. Le 24 mars 1848, des attroupemens se forment enfin dans les rues de Mazamet, et des menaces sont proférées contre les chefs d’établissement qui employaient les nouveaux mécanismes; mais l’arrivée d’un détachement militaire arrêta tout d’un coup des manifestations que n’avait accompagnées aucune violence matérielle. Le calme se maintint dès lors sans interruption jusqu’au mois de décembre 1851. Durant l’intervalle, les prédications socialistes n’avaient point épargné ces régions lointaines. Pour les ouvriers de Mazamet, irrités contre les appareils mécaniques, le socialisme voulait dire : Abolition des nouveaux métiers. Sans revêtir une forme déterminée, des promesses propres à flatter leurs convoitises les avaient mis peu à peu sous le joug des partis exaltés. Des rassemblemens se formèrent au mois de décembre 1851, dans les ateliers d’abord, puis dans les rues de la ville. Quelques individus isolés poussaient des cris hostiles aux fabricans, un plus grand nombre s’en prenait encore aux machines comme en 1848; la masse suivait l’émeute par le seul attrait du désordre. Un déploiement peu considérable de force militaire suffit pour rétablir l’ordre en quelques heures. On le voit, si la politique servait à agiter les ouvriers de Mazamet, ceux-ci tendaient sans cesse, par le poids de leur propre esprit, à ramener la question à un débat intérieur dans lequel les principes sociaux n’étaient pas du moins compromis.

Dans les autres fabriques drapières de cette même région du midi, les influences politiques ont eu un rôle moins actif. Ainsi à Clermont-l’Hérault, où il n’y avait en 1848, soit à la fin de février.