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Page:Revue des Deux Mondes - 1853 - tome 4.djvu/97

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l’armée mexicaine sont figurées chacune par un homme. On voit les Indiens livrés aux chiens en présence de Cortez et de sa bien-aimée Marina, qui tient un rosaire rouge. Alvarado est désigné par l’image du nom que lui avaient donné les Mexicains, Tonantiu (le soleil). Cet Alvarado était un Guzman. Peut-être a-t-il donné à Voltaire l’idée de nommer Guzman l’époux d’Alzire. Alvarado, en mourant, ne prononça point les belles paroles que Voltaire a mises dans la bouche de son personnage :

Des dieux que nous servons connais la différence :
Les tiens t’ont commandé le meurtre et la vengeance ;
Et le mien, quand ton bras vient de m’assassiner.
M’ordonne de te plaindre et de te pardonner.

Ces paroles, on le sait, furent inspirées au poète, qui ne les eût peut-être pas imaginées, par celles que le duc de Guise adressa en mourant à son assassin. Le dernier mot du Guzman de l’histoire a aussi son énergie. Après avoir commis toute sorte de cruautés, il fut blessé à mort en combattant près de Guadalajara. — Où souffrez-vous ? lui demandait-on. Il répondit : — À l’âme !

Ce qui précède peut donner une idée du procédé graphique usité dans ce qu’on appelle l’écriture mexicaine. C’est en général un dessin plus qu’une véritable écriture. M. Ramirez, en en convenant avec moi, m’apprend pourtant qu’il y a çà et là un peu de phonétisme au milieu des dessins aztèques, c’est-à-dire que parfois un signe est employé non comme figure d’un objet, mais comme représentation d’un son[1]. Les anciens Mexicains ont donc seulement touché au phonétisme et à l’écriture, tandis que les Égyptiens y sont arrivés et ont écrit réellement dès la plus haute antiquité.

Je croirais volontiers que des signes véritablement hiéroglyphiques à la manière de ceux des Égyptiens se trouvent sur le monument de la péninsule du Yucatan, où existent les vestiges les plus considérables d’une civilisation antique venue très probablement du Mexique central. À en juger d’après ce qui a été publié, il y a là des indices d’une écriture proprement dite. J’ai cru même y retrouver un hiéroglyphe égyptien, celui de la lumière. Il est répété plusieurs fois au-dessous des fenêtres d’un palais, ce qui rappelle l’emploi significatif qu’on en a fait à Dendera, où je l’ai vu placé à l’intérieur des jours percés dans la muraille par lesquels le grand temple de Dendera recevait la lumière. Cependant cet hiéroglyphe figurant un soleil

  1. Cette observation m’a été confirmée et démontrée, depuis mon retour à Paris, par M. Aubin, qui a formé au Mexique la collection la plus curieuse des monumens de ce genre et en a commencé l’explication. La publication des peintures historiques et autres que possède M. Aubin, avec des traductions faites au Mexique après la conquête, serait de l’intérêt le plus neuf et le plus grand.