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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/1047

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utiliser avec deux hectares, en admettant une perte de moitié. Il faudrait donc bien moins de deux hectares préparés, comme nous allons le dire d’après M. Seguin, pour obtenir infailliblement une belle et utile fontaine. Voici en un mot mon extrême conclusion.

Choisissez un terrain de deux hectares ou de un hectare, et demi, dont le sol soit sablonneux comme le bois de Boulogne et les autres bois qui entourent Paris, et qui offre de plus une légère pente vers un côté quelconque pour fournir ensuite un écoulement aux eaux, faites dans toute sa longueur et au plus haut une tranchée d’un mètre et demi à deux mètres de profondeur sur environ deux mètres de large. Aplanissez le fond de cette tranchée et rendez-le imperméable par un pavé, un macadamisage, un fond de bitume, ou, ce qui est plus simple et moins coûteux, par une couche de terre glaise, substance commune dans les environs de Paris. À côté de cette tranchée, faites-en une autre pareille dont vous rejetterez la terre pour combler la première, et ainsi de suite jusqu’à ce que vous ayez pour ainsi dire rendu tout le sous-sol de votre terrain imperméable à l’eau de pluie. Plantez le tout d’arbres fruitiers et surtout d’arbres à basse tige, qui ombragent le terrain sablonneux et arrêtent les courans d’air qui tendraient à réabsorber la pluie ; enfin pratiquez dans la partie la plus basse du terrain une espèce de mur ou contre-fort en pierre avec une issue au milieu. Vous aurez infailliblement une bonne et belle source qui coulera sans intermittence et suffira aux besoins d’un village entier ou d’un vaste château. Je n’ai pas sous les yeux le prix de revient calculé d’après le prix de la main-d’œuvre et des transports pour Paris et les départemens ; mais je me souviens très bien que cette dépense était accessible à toutes les fortunes des particuliers dans l’aisance et de toutes les communes privées d’eau. La spéculation pouvait même s’en emparer pour faire le bien public avec l’utilité privée. Dans la forêt de Fontainebleau, si pauvre de fontaines pour les hommes et pour le gibier, où le sol est si sablonneux et la terre glaise si à proximité, comment n’a-t-on point encore pratiqué de fontaines artificielles ? Dans un voyage que j’y fis vers 1845, je croyais avoir fait adopter cette idée à plusieurs des notables habitans ou des autorités de cette délicieuse résidence[1]. Il est mille autres localités des environs de Paris que je pourrais également indiquer. Le sol, bien loin d’être rendu infertile par ces opérations, en devient plus meuble, plus facile à amender, et les arbres qu’il porte pour le protéger contre l’évaporation sont d’un bon produit et plantés dans les conditions les plus avantageuses. Tout particulier, toute commune, toute administration qui aura établi, n’importe à quels frais et sur quelle échelle, une fontaine artificielle, et qui pourra dire à tous : « Faites comme moi, et même mieux que moi, en évitant les inconvéniens que j’ai rencontrés et que je vous signale, » aura bien mérité de la société entière, et pourra se dire : J’ai fait quelque chose d’utile !


BABINET, de l’Institut.

  1. C’est surtout en Hollande que l’on déviait construire les fontaines artificielles de Bernard de Palissy, dans ce pays sans fontaines,
    Quà Batavi fontem nescit arena soli,
    suivant l’expression très exacte d’Huygens le père.