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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/1048

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REVUE MUSICALE.




L’ÉTOILE DU NORD, par M. Meyerbeer.




Un grand événement musical vient d’avoir lieu au théâtre de l’Opéra-Comique. L’auteur de Robert le Diable, des Huguenots et du Prophète a fait invasion dans le paisible domaine des Monsigny, des Grétry, des Boïeldieu, de M. Auber. L’Étoile du Nord, opéra en trois actes de M. Meyerbeer, a été représenté il y a quelques jours devant une nombreuse assemblée d’élus qui étaient heureux d’assister à une solennité promise depuis six mois, et qui fera certainement époque dans l’histoire de l’art. En effet, à quelque point de vue qu’on se place, soit qu’on approuve entièrement le système de M. Meyerbeer, soit qu’on en condamne les tendances, on ne peut méconnaître la portée de cette tentative d’un grand musicien pour franchir le détroit qui sépare l’Académie de musique, fondée par Louis XIV, du théâtre modeste qui naquit un jour du vaudeville émancipé. Ce sont là deux genres bien différens, qu’il est bon de maintenir séparés, et qui exigent des qualités si diverses, qu’il est rare de les trouver réunies dans un même compositeur. Si l’Opéra, tel qu’il existe en France depuis Lulli jusqu’à Gluck, et depuis Gluck jusqu’à Meyerbeer, est moins un théâtre national proprement dit qu’une grande institution dramatique, qu’une véritable académie ouverte à tous les talens de l’Europe,

Où les beaux vers, la danse, la musique,
L’art de tromper les yeux par les couleurs,
L’art plus heureux de séduire les cœurs,
De cent plaisirs font un plaisir unique,


il n’en est pas de même de L’Opéra-Comique. Ici, l’esprit et le sentiment se mêlent, la musique s’allie au dialogue dans des proportions plus ou moins grandes, qui ne doivent pas dépasser cependant certaines limites. Dans ce genre vraiment national, qui est une heureuse alliance de la comédie et de la musique, de la gaieté de l’esprit et de la sensibilité du cœur, on n’a vu