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de coutume, et trois fois moins d’argent. L’argent, ne fonctionnant chez elle qu’à l’état d’appoint, était monnayé, de 1841 à 1847, dans la proportion de 8 pour 100. Le rapport en ces derniers temps n’a pas dépassé de beaucoup 2 pour 100. L’écart est également considérable aux États-Unis. Avant 1848, la somme monnayée en argent était trois fois plus forte que la somme émise en or. En 1851, en 1852, les possesseurs de la Californie ont frappé quatre-vingts fois plus d’or que d’argent.

En France, le contraste est peut-être plus frappant encore, en ce sens que notre système monétaire a plus qu’aucun autre l’argent pour base. On y a fabriqué, pendant les sept années qui ont précédé la découverte de la Californie, dix-sept fois moins d’or que d’argent. Le monnayage de l’or est même tombé à 119,140 francs en 1845, année de prospérité incontestable : c’est deux mille sept cents fois moins que l’année dernière. On ne comptait pas plus de 1,217 millions en or sur 5 milliards 312 millions monnayés depuis l’origine du système décimal en 1795 jusqu’à l’année 1848 inclusivement. Il est admis que notre pays est le plus riche en numéraire métallique, parce qu’il est celui où on en a le plus frappé. Quoique sa primauté à cet égard soit incontestable, elle est moins prononcée qu’on ne le croit communément. La perfection de nos pièces décimales les fait rechercher dans le monde entier. L’or particulièrement donnait lieu à une exportation incessante en raison de la petite prime dont il bénéficiait, et suivant les autorités les plus sûres, il nous restait à peine en 1848 le dixième des pièces de vingt francs confectionnées depuis 1795. Notre bilan monétaire se réglait donc ainsi : 21/2 ou 3 milliards, dont à 150 millions au plus en pièces d’or, de sorte qu’il y avait dans la circulation vingt fois moins d’or que d’argent.

Depuis cinq ans, 723 millions d’or ont été frappés, et comme c’est actuellement l’autre métal qui profite de la prime, il est naturel que l’exportation s’exerce sur l’argent. S’il en est ainsi, notre circulation se composerait dès à présent d’environ 2 milliards en argent et de 8 à 900 millions en or. Ce dernier métal, au lieu d’être comme autrefois dans la proportion d’un vingtième, représenterait déjà le tiers de notre richesse métallique. La fabrication de l’or en 1853 a dépassé de 293 millions celle de l’autre mêlai. Il est à présumer qu’une somme d’argent à peu près égale à l’excédant de l’or est passée à l’étranger avec bénéfice pour les exportateurs[1]. Si cette spéculation

  1. Il résulte d’une note annexée un dernier compte annuel de la Banque de France qu’en 1853, après balance faite entre les importations et les exportations de métaux précieux, la quantité d’or circulant en France avait été augmentée de 287 millions, et la quantité d’argent diminuée de 103 millions seulement. Il ne faut accepter ces chiffres que comme un aperçu, les douanes, auxquelles ils sont empruntés, n’étant pas appelées à constater les mouvemens d’espèces.