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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/828

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devait se prolonger, sait-on combien il faudrait de temps pour que tout l’argent existant en France nous fût soutiré ? Sept ou huit ans seulement.

Cet étrange phénomène de la disparition de l’argent se manifeste surtout dans les bilans des grandes institutions de crédit. Voici, entre autres, un document qui nous a paru assez significatif pour que nous prissions la peine de le résumer en valeurs françaises :

ENCAISSE DE LA BANQUE D’ANGLETERRE
TABLEAU MONTRANT LA DIMINUTION PROGRESSIVE DE L’ARGENT ET L’AUGMENTATION DE L’OR (Valeurs françaises)


Années Or Argent Total de l’encaisse Proportion de l’argent à la totalité de l’encaisse
1847 332,084,725 fr. 66,704,575 fr. 398,789,300 fr. 17 pour 100
1848 296,656,525 38,419,475 325,106,000 11 2/3 «
1849 352,571,225 38,849,250 389,414,475 9 1/2 «
1850 406,719,275 18,797,725 425,517,000 4 1/3 «
1851 361,321,450 9,131,025 370,752,475 2 1/2 «
1852 431,841,100 7,097,425 438,938,525 1 3/5 «
1853 511,517,075 1,676,975 513,194,000 1/3 «

Ce tableau ne nous montre-t-il pas l’argent fondant à vue d’œil dans le plus large dépôt métallique qui soit au monde ? L’Angleterre ayant monnayé depuis le commencement du siècle jusqu’à 1852 inclusivement 2 milliards 849 millions de francs en or et 358 millions en argent, ce dernier métal entre dans la circulation générale à raison d’un peu plus de 11 pour 100. La Banque d’Angleterre était, il y a sept ans, bien au-dessus de cette moyenne, puisqu’elle avait 17 francs en argent sur 100 francs d’espèces. Aujourd’hui l’argent, imperceptible dans ses caisses, n’y figure plus que pour les petits appoints et dans la misérable proportion de 33 centimes par 100 fr.

La Banque de France n’a pas coutume d’indiquer dans les bilans mensuels qu’elle publie la composition métallique de son encaisse. Dans le rapport qu’il vient de présenter à l’assemblée des actionnaires pour l’année 1853, M. d’Argout se contente de dire en termes généraux : « L’importation toujours croissante des lingots et des matières d’or a modifié considérablement la nature de la circulation métallique en France. Jadis cette circulation consistait presque exclusivement en pièces d’argent ; aujourd’hui, dans les encaisses de la Banque centrale comme dans nos recouvremens à Paris, l’or domine. La fixité de la valeur relative des deux métaux a subi une certaine altération. »

Tout le monde sait que l’étalon prototype de notre système décimal est un mètre en platine déposé dans les archives. Supposons qu’au lieu d’un seul modèle en platine, on eût jugé convenable d’en