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Page:Revue des Deux Mondes - 1854 - tome 5.djvu/985

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hauts fonctionnaires turcs et d’oulémas. Le colonel Rose écrivait le 5 décembre 1852 à lord Malmesbury : « Fuad-Effendi m’a dit spontanément dans trois entrevues qu’ayant encore examiné avec quelques-uns de ses collègues les documens et les traités relatifs aux lieux-saints, il était arrivé à la conviction que la réclamation faite par la France de la clé de la grande porte de l’église de Bethléem est juste, et que si son traité de 1740 était examiné d’une manière juridique, la France pourrait réclamer bien plus de sanctuaires que les deux qui lui ont été donnés par la note du 9 février. Le grand-visir, que j’ai vu aujourd’hui, m’a fait aussi et spontanément une déclaration semblable[1]. » Mais la Porte fut placée sous une contrainte morale par la lettre de l’empereur Nicolas au sultan et par les menaces de M. de Titof, qui déclarait que tout changement apporté au statu quo serait regardé comme une offense personnelle par son maître, et forcerait la légation russe à quitter Constantinople dans les vingt-quatre heures. Contrairement à son opinion intime et pour conjurer le mécontentement du tsar, elle rendit donc le firman favorable au principe du statu quo. Après une contradiction aussi flagrante, qui avait à se plaindre de la mauvaise foi de la Porte ? C’était assurément le gouvernement français. Qui s’en plaignit et qui tira des tergiversations de la Porte un prétexte pour l’accuser de perfidie et lui imposer des conditions incompatibles avec ses droits de souveraineté ? Ce fut la Russie. Ainsi, étranger, indifférent au fond même de la question, favorable dans sa conscience aux réclamations françaises, entraîné par la pression de la Russie à des contradictions et à des inconséquences, puis accusé de duplicité, et enfin attaqué dans son existence par la puissance même qui l’avait contraint à manquer à ses engagemens positifs, telle fut la position du gouvernement turc dans l’affaire des lieux-saints.

Parmi les puissances catholiques, les unes, comme l’Espagne, le Piémont et Naples, avaient appuyé auprès de la Porte, dès 1850, les réclamations de la France[2]. Les autres avaient adressé au divan des représentations particulières, comme la Belgique, qui demandait la réparation du tombeau de Godefroy de Bouillon, et l’Autriche, qui invoquait en faveur des Latins ses propres traités avec la Turquie[3]. Quant à l’Angleterre, nous l’avons déjà dit, elle vit avec peine naître le débat et resta neutre. Les premières instructions du gouvernement anglais à ses agens à Constantinople sont du 7 juin 1850. À cette date, lord Palmerston écrivait à sir Stratford Canning : « J’ai

  1. Correspond., part 1, n° 55.
  2. Sir Stratford Canning to viscount Palmerston. Correspond., part I, n° 3.
  3. M. de Klezl à Aali-Pacha. Correspond., part. I Inclosure in the n° 13.