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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/422

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du ciel et d’une vie meilleure au delà du tombeau. L’heure venue de renoncer à ces doux entretiens, à ces tendres épanchemens de l’intelligence et du cœur, le poète comprend qu’il ne retrouvera peut être jamais une telle joie, et quand il redescend vers la plaine, il salue d’un dernier regard le compagnon affectueux, le guide indulgent et sage qui lui a révélé les plus hautes vérités de la religion et de la philosophie.

Ce que j’ai dit de ces trois pièces suffit pour montrer à quel point j’estime le second recueil de M. de Laprade. À mes yeux, les Odes et Poèmes sont très supérieurs à Psyché. La pensée de l’auteur s’y épanouit librement ; elle se présente tour à tour sous une forme sévère ou gracieuse, et les aspects variés qu’elle offre à notre intelligence nous charment sans jamais nous lasser. Qu’il me soit permis pourtant de regretter que M. de Laprade n’ait pas ordonné ses pensées avec plus de prévoyance. Dans Alma parens, dans la Mort d’un chêne, dans les Adieux sur la montagne, on trouverait sans peine plus d’une stance qui pourrait être impunément déplacée. L’intention de l’auteur, au lieu de s’éclairer d’une lumière de plus en plus abondante, semble parfois se voiler. Ce n’est pas que le langage manque de précision ; mais si l’auteur conçoit puissamment, il lui arrive de négliger la composition, et l’expression la plus nette ne rachète pas toujours ce défaut. Sans vouloir imposer aux poètes une méthode rigoureuse, pareille à celle du géomètre, je crois pourtant que la prévoyance ne leur est pas inutile. La pensée la plus abondante, la conception la plus heureuse ne peuvent guère se passer de ce puissant auxiliaire.

Les Poèmes évangéliques, empreints d’une véritable grandeur, où respire une foi sincère, soulèvent à peu près le même genre d’objections que le poème de Psyché : l’auteur ne tient pas compte des temps. Dans le poème de Psyché, j’ai dû relever le mélange des idées païennes et des idées chrétiennes, et, pour parler plus nettement, la prédominance des idées chrétiennes sur les idées païennes. Dans les Poèmes évangéliques, je dois relever le mélange de la philosophie et de la religion. Dans le Précurseur, l’accent sincère de chaque page montre assez clairement que l’auteur croit aux enseignemens de l’église, qu’il ne révoque en doute aucune des affirmations dont se compose la foi catholique ; mais s’il croit, il ne s’abstient pas d’interpréter sa croyance, et c’est là que commence le danger, dans le domaine de la poésie comme dans le domaine de l’orthodoxie. Aux lumières de l’église il ajoute les lumières de la philosophie. Après avoir raconté en se conformant à la tradition, il explique, il commente son récit avec le secours de la raison moderne. Je n’ai point à examiner jusqu’à quel point la foi catholique s’accommode de tels commentaires, je me déclare incompétent dans