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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/564

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bonne ? M. Le Play parle des lois de police sur le travail des femmes et des enfans dans les manufactures et sur les marques de fabrique : ces idées n’ont rien de nouveau, elles sont aujourd’hui partagées par tout le monde. Comment faire pour aller plus loin ? « Il serait à désirer, dit-il, que sous la pression de mesures réglementaires sagement exprimées, des fabricans inhabiles ou sans scrupules n’eussent plus le pouvoir de compromettre par d’imprudentes créations la sécurité publique. Les juges naturels de l’opportunité d’un nouvel établissement entraînant un surcroît de population industrielle devraient être ceux qui, en cas d’impuissance du chef d’industrie, seraient obligés de subvenir aux besoins des ouvriers qu’il laisserait dans le dénûment. Les lois relatives à la distribution des ateliers industriels devraient donc provoquer à la fois l’intervention de l’état, des communes et des principaux contribuables de la localité. La législation actuelle de la France fournirait à cet égard d’utiles précédens. On trouverait, par exemple, des analogies naturelles dans les règlemens relatifs à la création des ateliers qui peuvent offrir un danger matériel ou même une simple incommodité pour les propriétés voisines. » Qu’est-ce que cela veut dire ? Ne pourra-t-on ouvrir un nouvel atelier qu’avec l’autorisation du gouvernement et du consentement des ateliers existans ? Ceci ressemble beaucoup aux anciennes maîtrises.

Je ne suis pas de ceux qui opposent à toute innovation un principe absolu. J’approuve complètement les Anglais, qui font ce qui leur paraît bon et pratique sans s’inquiéter du système, et qui ne craignent ni l’accusation de socialisme, ni celle de réaction, ni aucune autre, à propos d’une mesure utile. J’attendrai donc que M. Le Play formule plus nettement son idée pour savoir ce que j’en dois penser. Tout ce que je pais dire, c’est que, sous sa forme actuelle, elle me paraît inadmissible. Il est très frappé des inconvéniens des grandes agglomérations ouvrières ; je le suis plus que lui, s’il est possible. Seulement il fera bien de chercher d’autres moyens de les prévenir. Je serais porté à croire, pour mon compte, qu’il suffirait de ne pas les favoriser. Tout contribue, dans notre organisation nationale, aux grandes agglomérations. Les hommes suivent les capitaux, et tout accumule les capitaux dans les grandes villes ; l’action de l’impôt est surtout incessante dans ce sens. La bienfaisance même, en donnant aux indigens des villes un privilège qui frappe tous les yeux, attire de plus en plus les classes pauvres vers les centres de population. Il n’en est heureusement pas de même partout. En Suisse, par exemple, où l’équilibre n’est pas rompu artificiellement entre les villes et les campagnes, l’atelier s’élève souvent à côté de la ferme, et la vie industrielle se développe à peu près