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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 1.djvu/730

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qu’une de ses femmes, ou à jeter du discrédit sur l’institution de la polygamie, est passible d’un emprisonnement d’un mois. Les querelles entre les épouses légitimes ou spirituelles sont défendues : celle qui engage la dispute est passible d’une correction qui varie entre trois et vingt-cinq coups de fouet, administrés par le mari ou par un délégué. Toute femme qui en injurie ou en frappe une autre est punie d’une correction de douze coups de fouet, administrés par la partie injuriée. Toute femme qui bat l’enfant d’une autre femme s’expose à recevoir une correction administrée par la mère de l’enfant, etc. Ce code nous plaît assez en ce qu’il contient un agréable mélange de despotisme et de self government. Les femmes sont esclaves, il est vrai, mais le droit de se rendre justice entre elles leur est conféré. Si ce code n’existe pas absolument tel que nous venons de le rapporter, le bon sens indique assez qu’il doit y en avoir un fondé sur des principes à peu près semblables. Une pareille institution ne peut fonctionner régulièrement sans des moyens coercitifs.

Nous nous arrêterons sur ce dernier fait : bien des choses resteraient à dire ; mais, en insistant sur les plus tristes aspects de la secte des mormons, nous craindrions d’obéir à des préventions intellectuelles, et d’être injuste envers une secte qui nous inspire d’insurmontables répugnances. La plus grande obscurité règne sur les mœurs véritables des mormons. Nous n’entendons pas incriminer ici les mœurs du peuple d’Utah, qui a donné des marques évidentes de ces vertus qui n’excluent pas la servitude intellectuelle il est vrai, mais qui excluent une moralité trop relâchée, — la patience, la persévérance, l’amour du travail, l’activité, le courage. Quand on a toutes ces qualités, on peut croire en Joseph Smith et au Livre de Mormon, mais il est impossible d’avoir des mœurs bien relâchées et de pratiquer sur une grande échelle la doctrine de la femme spirituelle. Quant à la vie et aux actions de la partie éclairée de cette société, des dignitaires de l’église, elles sont très controversées et imparfaitement connues. Les mormons ne parlent point, ils n’écrivent que des sermons ou des journaux de propagande, ils ne sont représentés hors d’Utah que par leurs agens d’émigration et leurs missionnaires ; ils dédaignent de se défendre. Les Américains, de leur côté, les attaquent avec une violence inouie et les chargent de tous les crimes, de sorte que le lecteur européen, qui n’entend en définitive qu’une seule partie, a besoin de toute sa sagacité pour ne pas se laisser trop lourdement tromper. La plupart des récits que l’on fait sur les affaires d’Utah sont trop romanesques et trop crus à la fois pour être exactement vrais. Ce que nous pouvons dire en toute assurance, c’est que les mormons ne sont point des saints, et que jusqu’à présent, s’ils ont accompli des miracles, c’est en leur qualité d’Américains et non en leur qualité de mormons. Ils ont bâti la ville du grand lac Salé et défriché le territoire d’Utah