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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/35

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parce qu’il est la cause la plus active de toute déchéance morale.

Ce ne sont pas, dit-on, les gens de bien qui font défaut ; c’est la force qui leur manque. Raison de plus pour intéresser les mœurs publiques dans la question, car il serait assurément peu sensé de tout attendre des bras et des cœurs de l’étranger, sans y rien mettre du vôtre.

Dans cette restauration morale, que ne pourraient les femmes moldaves et valaques, si elles y mettaient leurs cœurs ! Avec les avantages que leur donnent la loi, la coutume, que ne feraient-elles pas ! Et de bonne foi, ne commencent-elles pas à se lasser d’imiter seulement nos frivolités ? Faut-il que nos vices mêmes leur paraissent admirables, parce qu’ils ont le prestige de l’éloignement ? Après s’être nourries de nos romans, n’ont-elles pas découvert que sous cette magnifique emphase se cachent de singulières industries, et que ces beaux héros finissent bien souvent par être d’assez méchans valets ? C’est par les mariages que la patrie roumaine a été perdue ; par cette porte sont entrés les étrangers cupides qui ont mis la main sur le pays. Russe, Grec ou Tartare, tout aventurier arrivait nu, se disait prince, et trouvait quelque riche héritière toujours prête à se donner à un titre moscovite ou byzantin. Dès-lors l’étranger devenait le maître et des hommes et du sol. Tant que cette plaie restera ouverte, où est l’espérance de salut ? Et il n’y a que les femmes qui puissent y remédier. Si tout homme notoirement ennemi, ouvertement traître, était refusé (et remarquez que je ne demande pas là un miracle), s’il se faisait un vide autour de lui, comme cela se voit dans d’autres pays, cette seule résolution serait plus puissante que toutes les constitutions d’état. Ne serait-ce pas là aussi un plaisir de lutter par un regard contre les amorces, les promesses, les ambitions de toutes les Russies ? N’y aurait-il pas là de quoi attirer un cœur avide d’un moment de grandeur ou seulement d’orgueil ? Les femmes ont fait le mal ; les femmes seules peuvent le guérir… Mais qu’elles connaissent peu leur véritable intérêt ! Elles croient, en copiant nos usages, nos mœurs, notre indifférence pour le bien et le mal, notre ricanement sur toute aspiration, s’élever à la hauteur de l’Occident ; elles ne voient pas qu’elles perdent ainsi ce qu’il y a de plus charmant en elles, leurs grâces ingénues, comme d’un enfant qui s’éveille.

Pourquoi ces filles de l’Orient aspirent-elles avec tant de hâte à nos laideurs et à nos décrépitudes ? Elles viennent de l’endroit où naît l’aurore. Elles en ont les beautés nonchalantes, le doux parler mielleux, l’œil humide et brûlant, la chevelure ondoyante, les rayons éblouissans ; ce sont des roses matinales qu’elles doivent répandre sur le chemin, non pas les roses fanées déjà dans nos tristes fêtes.