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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/454

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on, une agitation semblable depuis 1848, et cet incident douloureux reste un événement véritable pour la Prusse.

La Hollande n’est point agitée de telles émotions. Les plus sérieux débats y sont des débats d’intérêt public, qui occupent sans passionner, sans entraîner surtout de périlleux conflits. La dernière discussion importante qui ait eu lieu dans les chambres de La Haye est celle du budget. Elle n’a duré guère moins de six semaines, entrecoupée, il est vrai, de diverses interpellations et d’incidens dont quelques-uns ont survécu au vote du budget. Le premier point à noter, c’est que la situation du ministère est restée à peu près intacte dans cette discussion. Le cabinet cependant avait à vaincre non-seulement l’opposition des libéraux avancés et des protestans exaltés, mais la tiédeur de quelques-uns de ses amis, toujours assez peu favorables à la grande réforme des impôts adoptée l’an dernier, celle de l’abolition totale, à partir du 1er janvier 1856, des droits de mouture et de tonnage. C’est là encore une sorte de champ de bataille rétrospectif pour les partis. Le parti des protestans exaltés ou réformés historiques reprochait au ministère d’avoir accédé à cette mesure moins par conviction que par faiblesse, d’avoir suivi l’impulsion des libéraux. Le cabinet au contraire a eu à cœur de revendiquer la réforme comme une œuvre mûrement conçue, due à son initiative, et nécessaire dans les circonstances actuelles, en présence de la cherté des denrées alimentaires et de l’état des finances. Par le fait, le budget a été voté à une immense majorité. Il n’est point douteux d’ailleurs que la situation générale des finances hollandaises reste singulièrement favorable. L’année qui vient de s’écouler a été la plus prospère de la dernière période décennale. Les recettes se sont élevées à plus de 59 millions de florins ; elles ont excédé les prévisions de plus de 3 millions, sans compter le boni colonial, qui a dépassé toute attente. Aussi le gouvernement s’est-il décidé à retirer divers projets qu’il avait d’abord présentés pour combler le vide laissé par l’abolition des droits de mouture. La diminution graduelle de la dette publique au moyen de l’amortissement incessant opéré depuis quelques années ne peut que favoriser cette amélioration progressive. Ce sont donc là d’irrécusables témoignages d’une situation matérielle rassurante, et telle que le budget récemment voté ne pouvait devenir un embarras sérieux pour le cabinet hollandais.

Cette discussion financière au surplus, tout importante qu’elle fût, n’a pas seule occupé les chambres de La Haye : il s’est produit dans l’intervalle, comme nous le disions, diverses interpellations, divers incidens qui ont un égal intérêt pour le pays. Le plus grave peut-être de ces incidens parlementaires est une motion provoquée par une proposition antérieure de M. Rochussen et formulant la même pensée d’une façon plus précise. M. van Hoevell, l’auteur de la motion nouvelle, a demandé que l’on nommât une commission pour rechercher les moyens les plus propres à réprimer l’abus des boissons alcooliques. Il s’est formé, il y a quelques années, une société qui s’est donné la généreuse et intelligente mission de combattre ce terrible vice de l’ivrognerie. Qu’on songe en effet qu’il se consomme en Hollande 22 millions de litres de boissons distillées, d’une valeur de plus de 9 millions de florins. D’où sort cet argent ? Cela n’est point douteux, de la bourse des