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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 2.djvu/455

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pauvres, de ceux-là morne qui vivent de l’assistance publique. Ils se consolent de la misère par l’ivresse, et l’ivresse les mène à l’abrutissement ou au crime. C’est là le mal qu’a voulu combattre la société de tempérance, et ses efforts ont eu leur écho dans les chambres, qui ont voté la motion de M. van Hoevell dans un sentiment d’intérêt moral. Une autre question récemment agitée et non moins sérieuse, quoique d’un ordre différent, est celle de l’émancipation des esclaves dans les colonies néerlandaises. Cette question, à vrai dire, intéresse seulement les possessions occidentales, le nombre des esclaves dans l’archipel oriental étant fort restreint, et leur situation ne différant guère de celle des domestiques européens. Le parlement néerlandais, par un vote spécial, a insisté auprès du gouvernement pour hâter l’émancipation. Un rapport présenté par une commission d’état demande que cette émancipation soit graduelle, ce qui est toujours d’une politique sage. Quoi qu’il en soit, la nécessité de l’affranchissement des esclaves est universellement reconnue, et une modification partielle qui vient d’avoir lieu dans le cabinet ne change en rien cette situation. Le ministre des colonies, M. Pahud, vient de quitter son portefeuille pour aller prendre le gouvernement général des Indes néerlandaises, et son successeur, M. Myer, jurisconsulte éminent, ancien président de la haute cour des Indes, a déjà exprimé les idées les plus favorables à l’émancipation des esclaves. C’est donc là une question moralement résolue.

Dans ce même ordre d’idées et d’intérêts, il y aurait à constater un autre fait. La Hollande vient de conclure avec le Japon une convention qui lui assure de nouveaux avantages dans ces régions lointaines, et qui laisse même pressentir la négociation d’un traité plus complet. Le gouvernement néerlandais avait envoyé, il y a quelque temps, à l’empereur du Japon un pyroscaphe, le Sœmbing, en le lui offrant comme présent. L’opposition des états-généraux trouva d’abord matière à critique dans cette munificence ; la dépense finit par être sanctionnée, et le résultat est venu justifier le cabinet de La Haye. Le gouvernement du Japon a fait en Hollande des commandes assez considérables pour la marine ; quelques officiers hollandais sont même restés au Japon pour y développer l’instruction navale. Tout semble indiquer des relations nouvelles plus suivies et plus fructueuses pour les deux pays.

Depuis que l’Europe semble au moment de ressaisir la paix, il y a une question sur laquelle l’attention du monde se porte de plus en plus, celle de l’Amérique centrale. Aurons-nous le spectacle d’une guerre entre les États-Unis et l’Angleterre, et verrons-nous deux peuples de même race, unis par les liens les plus forts qui puissent unir les nations, ruiner de gaieté de cœur leurs intérêts pour une question où la vanité a plus de part que tout autre sentiment ? Le plus raisonnable des deux adversaires, le gouvernement anglais, ne demanderait pas mieux que de terminer à l’amiable ce démêlé et il a déjà donné satisfaction sur l’un des deux points, en reconnaissant l’illégalité des enrôlemens faits aux États-Unis ; mais il ne voudrait point que frère Jonathan abusât de la complaisance et du bon vouloir de John Bull pour le traiter comme un barbon dont on peut se moquer sans danger. De son côté, le gouvernement des États-Unis reconnaîtrait bien volontiers que le traité Clayton-Bulwer a subi quelques infractions ; mais il ne veut point