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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/187

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ce serait trois cent un millions de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards de milliards, ci :

301,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000,000.

Si une lumière perd de sa force en traversant une certaine épaisseur d’air ou d’eau, ce qui reste en perdra autant pendant un nouveau trajet pareil. Autant d’épaisseurs traversées, autant de fractionnemens de lumière, voilà une loi logarithmique. Voilà pourquoi la lumière et la chaleur du soleil s’éteignent dans notre atmosphère, et comment la chaleur qui atteint le fond des mers est si peu de chose ; voilà pourquoi, par un temps de brume, les objets cessent d’être perceptibles à une si petite distance, alors que, suivant Homère, on ne peut voir qu’à la distance où on peut lancer une pierre. Tous les voyageurs qui ont été enveloppés par les nuages sur les hautes montagnes savent quelle pénible sensation est cette vue logarithmique à si petite portée, et avec quel agrément on retrouve, en descendant du nuage, et la vue, et les lointains, et cette rapide perception que le même poète compare en vitesse à la pensée de l’homme !

Couvrez une plante d’une cloche de jardinier, puis de deux, de trois, de quatre, en plein soleil : l’effet redoublera à chaque cloche, et avant la quatrième la plante cuira sous la cloche, et l’eau s’y mettra logarithmiquement à bouillir.

Si vous vous élevez dans l’atmosphère, à chaque hauteur que vous franchirez, l’air sera de plus en plus léger, et vous trouverez, avec la hauteur croissante pour cause et la raréfaction de l’air pour effet, une loi logarithmique qui, étant mise en formule, vous donnera la hauteur de la station, où vous êtes parvenu au moyen de la lecture du baromètre à cette station. Ce nivellement, si commode et si utile, a donné la hauteur de toutes les montagnes du globe.

On doit les logarithmes à un baron écossais, nommé Napier, qui a vécu de 1550 à 1617, dans ce XVIe siècle, effrayant d’énergie, où l’esprit humain éprouva des paroxysmes analogues à ceux que la surface de notre globe éprouve par les tremblemens de terre. Le baron astrologue ne pensait sans doute pas à la relation de la cause à l’effet en proportion constante que représentent ses logarithmes, et qui en a fait une représentation de l’effet quand la cause est donnée, et qu’elle agit toujours avec la même énergie. Qu’est-ce que Napier y avait donc vu ?

Il y avait vu tout simplement un miracle pour la facilité des calculs. Comme la cause est toujours plus simple que l’effet, il trouva, sans se douter du principe, que si l’on substitue les logarithmes aux nombres, on fait tous les calculs avec la plus grande facilité, puis qu’en repassant aux nombres le résultat apparaît, et qu’on exécute