Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 3.djvu/188

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

en un jour des calculs qui auraient pris autrement deux ou trois mois de travail. Les tables de logarithmes et les règles à calcul, qui sont aussi logarithmiques, sont connues de tout le monde dans leur usage, sinon dans leur théorie. Il n’est point d’aide-arpenteur qui ne feuilleté d’une main profane la merveilleuse table (mirificus canon) du baron, honneur de l’Ecosse, qui a centuplé la vigueur calculatrice de l’intelligence humaine à peu près comme le premier dompteur du cheval, le premier inventeur de la locomotive (M. Séguin), ont centuplé la faculté de transport de l’homme, ou bien comme Chappe et Ampère, le premier par le télégraphe à bras, et le second par le télégraphe électrique, ont centuplé et plus que centuplé la vitesse de transmission des dépêches.

Le cosinus réclame maintenant notre attention. Cette conception métaphysique est heureusement un peu plus facile à définir que le logarithme. Couchez sur le sol une baguette bien droite, elle couvrira toute sa longueur. Si vous la relevez par un bout, il n’y aura plus immédiatement sous la baguette qu’une longueur moindre. Si vous attachez un fil à plomb au bout relevé de la baguette, ce fil à plomb se rapprochera du bout fixe d’autant plus que vous redresserez davantage celle-ci, et quand elle sera toute droite, le fil à plomb touchera la baguette, et celle-ci ne recouvrira plus rien du tout. Si au lieu d’une baguette vous imaginez une planche étendue sur la terre, et la pluie tombant dessus, la planche garantira un espace égal à toute sa longueur ; mais si vous la relevez par un bout, elle n’en recouvrira plus qu’une moindre partie, et à mesure que vous la redresserez, la partie garantie de la chute verticale des grains d’eau diminuera de plus en plus, et sera enfin réduite à rien quand la planche sera tout à fait redressée. Or, ici le rapport qu’il y a entre l’espace recouvert et la longueur totale de la planche pour chaque angle d’inclinaison de la planche est ce qu’on appelle le cosinus de cet angle. Je n’ose pas dire que souvent des esprits assez légers, qui avaient provoqué de moi cette définition, ont répondu à l’interrogation que je leur adressais : Comprenez-vous ce que c’est qu’un cosinus ? — Oui, je comprends à merveille, mais que m’importe ? Que m’importe que la baguette ou que la planche à telle ou telle inclinaison couvre la moitié, le tiers, le quart de sa longueur totale ? A quoi peut servir cette notion ?

Réponse : A tout à peu près.

Un manœuvre veut-il monter à l’aide de la brouette de Pascal un fardeau qu’il ne pourrait soulever directement de bas en haut ? Il fait rouler sa brouette sur une rampe qui amortit le poids des matériaux à déplacer dans le rapport du cosinus de l’angle que fait la montée verticale qu’il veut éviter avec la rampe inclinée qu’il veut suivre.