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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/847

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le bien-être des citoyens aux amusemens sanguinaires de l’empereur, un édifice solide à une bâtisse éphémère.

L’amphithéâtre et le cirque, tels sont les deux monumens qui figurent sans cesse dans l’histoire de sa vie, et toujours par des barbaries et des extravagances. Le cirque était le lieu favori de Caligula. Il voulut donner aux courses un éclat extraordinaire et bizarre, car en tout il aimait le bizarre et l’extraordinaire. Il fit répandre sur l’arène du vermillon, toujours tourmenté du besoin de se prouver l’infinité de sa puissance par les caprices de sa fantaisie.

Spectateur assidu des jeux, il se passionnait pour les cochers qu’il préférait, s’emportait, quand d’autres avaient l’avantage, contre le public qui les applaudissait. Il voulait que tout le monde partageât son goût effréné de ces divertissemens. Quand le peuple était mécontent, pour contrarier l’empereur, il se privait du spectacle. Il n’est pas de pouvoir qui puisse supprimer tout signe d’opposition. Depuis que la tribune était muette, le cirque parlait. Quand chaque voix est éteinte, le mécontentement ne peut plus s’exprimer, même par le silence ; mais il reste l’absence, et parfois sous Caligula les Romains usèrent de ce genre de protestation. Il est vrai que pour reconquérir la faveur de la populace, il n’avait qu’à faire quelque odieuse extravagance, la populace reparaissait dans le cirque et applaudissait l’empereur. Caligula, pour témoigner sa reconnaissance, jetait à la foule des tessères où étaient écrits les noms d’objets de tout genre que gagnaient ceux entre les mains desquels elles tombaient : c’était, comme on voit, une sorte de loterie ; ou bien l’empereur jetait du haut de la basilique Julia de l’argent au peuple, qui venait pour cela au Forum, où il venait dans d’autres temps pour écouter Cicéron.

Caligula, dans un caprice de popularité et probablement pour de faire l’œuvre de Tibère, avait rendu au peuple les comices ; déjà les hommes prudens s’effrayaient de ce dangereux retour vers la liberté. Caligula, plus sage, ne s’en effrayait point. Ces habitués du cirque, auxquels, l’empereur plaisait par ses folies et qui se disputaient la loterie de ses aumônes, ne l’inquiétaient pas beaucoup comme électeurs. Cependant il se ravisa, il reporta au sénat un droit dérisoire. Les Septa, où se faisaient les élections populaires, ne servant plus à rien, il y creusa un bassin dans lequel il fit paraître un vaisseau, ce qui consola probablement la multitude de la perte de son droit.

Ce Palatin, témoin des crimes et des démences de Caligula, devait l’être aussi de son châtiment. Il y fut tué par le tribun Cassius Chaereas et quelques autres, au moment où il sortait de son palais pour aller entendre des chanteurs, car les amusemens de sa vie devaient