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Page:Revue des Deux Mondes - 1856 - tome 6.djvu/848

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être l’occasion de sa mort. L’équité de la Providence paraît en ceci que les six furieux qui déshonorèrent l’empire, Caligula, Néron, Domitien, Commode, Caracalla et Héliogabale, eurent tous une triste fin. Du reste, les meurtriers n’étaient pas beaucoup plus intéressans que la victime, s’il est vrai, comme le dit Josèphe, qu’après s’être faits les instrumens des cruautés de Caligula, ils n’avaient pris la résolution de les punir que parce qu’ils avaient craint que leur tour ne vînt aussi. Alors le Palatin vit une étrange scène. On venait de frapper un exécrable tyran ; le sénat songeait à rétablir la république, et en conséquence ne s’était pas réuni dans la curie qui portait le nom de Jules-César, mais au Capitole, car à Rome le choix du lieu où l’on s’assemblait était regardé comme très important. Pendant qu’on se disputait sur les moyens à prendre, un soldat qui parcourait le palais, espérant peut-être, dans la confusion du moment, trouver quelque chose à voler, mit la main sur un empereur, qu’il ne cherchait pas. L’oncle de Caligula, Claude, qu’on traitait comme un imbécile, avait pris peur, et s’était caché derrière une tenture de porte (ce que nous appelons une portière) qui laissait voir ses pieds. Le soldat remarqua ces pieds qui passaient, et tira Claude de sa cachette, Claude tomba aux genoux du soldat, lui demandant la vie. Il se releva salué empereur par cet homme, qui le conduisit à ses camarades. Ceux-ci étaient incertains de ce qu’ils avaient à faire. Il fallait un empereur sur-le-champ, pour ne pas laisser au sénat le temps de se reconnaître. Les soldats prennent le pauvre Claude, le jettent dans une litière, et le conduisent triste et tremblant au camp des prétoriens. Voilà le pouvoir que César avait voulu conquérir par la gloire, vers lequel Auguste s’était avancé avec une adresse infinie, devenu le don du hasard et le prix de la peur. Voilà le camp des prétoriens, établi sous Tibère pour être l’appui des empereurs, qui fait un empereur par surprise. Le pouvoir despotique a déjà passé aux instrumens du despotisme. Ce camp est pour la première fois le théâtre de ce honteux marché qui se renouvellera à chaque règne, et dont Claude donna le premier l’exemple.

Le camp des prétoriens sera témoin sous Claude de deux autres scènes bien différentes. Quand Messaline aura poussé l’impudence de l’adultère jusqu’à célébrer publiquement son mariage avec Silius, et qu’enfin les yeux de Claude se seront ouverts, c’est dans le camp des prétoriens qu’effrayé de la justice qu’il accomplit, il ira se retrancher pour ordonner le supplice d’une épouse déhontée. Plus tard, dans la plaine qui s’étend en avant de ce camp, en présence de Claude et de celle qui aura succédé à Messaline, l’orgueilleuse mère de Néron, placée comme son époux sur la tribune militaire, paraîtra le vaillant chef des Bretons, Caractacus ; là, le barbare fera entendre