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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/195

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mais qui instruirait le mieux le public ; la victoire ne devait pas rester au plus éloquent, mais au mieux informé. M. Cucheval-Clarigny a très bien mis en lumière ce caractère particulier De la presse anglaise. Des correspondances entretenues à grands frais, des services particuliers plus rapides et plus exacts que les services publics, des agens répandus sur tous les points du globe, sont les instrumens coûteux et cependant productifs de ce vaste système d’information constante et universelle. Si pourtant des événemens graves s’accomplissent dans quelque coin du monde, si une révolution éclate, si une armée est en campagne, un correspondant spécial est envoyé dont la tâche est de voir tout ce qu’il peut et d’écrire tout ce qu’il voit. Aux lettres de ce correspondant viennent se joindre les lettres de tous ceux qui auraient pu voir quelque chose de plus et qui trouveraient le moyen d’ajouter au tableau quelque trait négligé. Nous n’insisterons pas sur l’abondance et sur la valeur de ces correspondances. La guerre d’Orient et les événemens de l’Inde ont récemment donné au public européen l’occasion de les apprécier.

La vigilance est égale, le résultat aussi complet s’il s’agit de l’Angleterre. Les débats du parlement défient par l’étendue et par l’exactitude les anciens comptes-rendus de notre Moniteur. Le compte-rendu des affaires civiles et criminelles est chaque jour plus étendu dans les journaux politiques que celui des journaux judiciaires de notre pays, et l’extrême rareté des réclamations en atteste la sincérité. Les réunions publiques, de quelque nature qu’elles soient, depuis les banquets de l’aristocratie jusqu’aux meetings des condamnés libérés, reçoivent la même publicité que les débats des deux chambres. Il ne se passe donc rien dans le monde que le journal ne cherche à découvrir et à répandre aussi loin que peut porter sa vue, aussi haut que peut s’élever sa voix.

Cette information universelle et exacte, qui est à nos yeux le principal caractère de la presse anglaise, ne peut subsister qu’à deux conditions essentielles, qui ne se rencontrent pas en tout pays et qui existent au plus haut point en Angleterre : la liberté de la presse et la curiosité du public. Si la presse était moins libre, elle ne prendrait pas la peine de s’instruire à grands frais de ce qu’il lui faudrait taire ; si le public était moins curieux, il rendrait ruineux par son indifférence les sacrifices considérables que la presse s’impose pour satisfaire sa curiosité. Sur le premier point, il est à peine besoin d’insister. Il est évident, par exemple, qu’un journal anglais n’entretiendrait point un correspondant dans toutes les capitales de l’Europe, si le premier ministre pouvait le prier de s’abstenir de telle ou telle publication qui déplairait à tel ou tel ambassadeur, ou qui lui serait désagréable à lui-même ; qu’il n’enverrait personne aux séances du parlement ou aux audiences des