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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/196

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tribunaux, si le compte-rendu ou le commentaire des débats lui était interdit ; qu’il ne prendrait même aucun souci des exécutions publiques, s’il ne lui était point permis de divulguer la véritable attitude et les vrais sentimens du condamné, etc. Ces vérités sont trop vulgaires pour qu’il faille s’y arrêter plus d’un instant. Remarquons cependant avec quel soin les pouvoirs publics, interprètes du sentiment national, assurent de plus en plus aux journaux toutes les garanties nécessaires à cette publicité sans limites, qu’on regarde comme le premier des devoirs de la presse encore plus que comme le premier de ses droits. Pour les tribunaux par exemple, le huis-clos, d’un usage si fréquent chez quelques peuples du continent, n’existe pas en Angleterre, même pour les causes qui sembleraient l’excuser. On s’en rapporte entièrement à la discrétion des journaux. Quant aux discours des avocats, les journaux peuvent tout reproduire sans en être jamais responsables devant les parties intéressées. Ce sont des publications privilégiées, comme on les appelle en Angleterre, c’est-à-dire qui ne peuvent donner lieu aux poursuites privées, les seules, comme on le sait, qu’ait à redouter la presse anglaise. Les discours prononcés dans les meetings ne jouissant pas du même privilège et un journal ayant été récemment condamné par le jury pour une diffamation contenue dans un de ces discours, les premiers magistrats de l’Angleterre s’en sont émus, et une loi, soumise en ce moment à la chambre des lords, permettra désormais aux journaux d’échapper à la responsabilité de ces diffamations, qui retombera exclusivement sur l’auteur du discours incriminé. C’est un fait entre mille qui nous aide à comprendre que la liberté de la presse paraît aux Anglais non pas seulement un droit abstrait du citoyen, mais une condition nécessaire d’existence pour les journaux. La liberté n’est pour eux qu’un moyen d’accomplir avec sécurité et avec profit cette grande œuvre d’information et de publicité que leur assigne l’opinion.

Mais, comme nous l’avons déjà fait entendre, cette liberté serait inutile à la presse anglaise, si son intérêt ne l’engageait à s’en servir, c’est-à-dire si le public n’était pas assez curieux pour la récompenser de ses efforts. Nous touchons ici à un caractère particulier et, selon nous, très honorable du public anglais. La curiosité de ce public est à la fois très étendue et très exigeante ; il s’intéresse à tout et ne veut être trompé sur rien. Il veut savoir le plus tôt et le plus exactement qu’il est possible ce qui se passe au bout du monde et ce qui se passe chez lui, et il récompense largement ceux qui satisfont le mieux ce besoin de tous les jours. Avec un admirable bon sens, il attache moins de prix aux réflexions que les faits inspirent aux journaux qu’à ces faits mêmes. Le texte passe pour lui avant le commentaire, et avant de chercher à l’émouvoir il