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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/239

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CHRONIQUE DE LA QUINZAINE.


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31 décembre 1857.

Il est en certains pays catholiques une vieille coutume qui survit encore, une coutume mélancolique et profondément religieuse. Toutes les nuits, un veilleur solitaire, horloge vivante, parcourt les rues en annonçant les heures. D’une voix monotone et triste, il chante la fuite des choses pour ceux qui sont dans la joie comme pour ceux qui souffrent, car pour les uns et les autres le temps s’enfuit d’un vol égal. Nous ne comptons plus les heures, qui passent trop vite. Il en est une pourtant où il nous revient comme un écho de la lente et mélancolique psalmodie du veilleur nocturne, c’est celle qui nous avertit qu’une année de plus finit : c’est l’heure où nous sommes. À ce moment donc, qui sépare deux périodes du temps, et où renaît chez tous les hommes le sentiment indéfinissable des choses évanouies, des choses qui ne reviendront pas, si l’on se demandait ce qu’a été cette année qui vient de s’écouler, ce qu’elle a fait, ce qu’elle a vu, ce qu’elle a produit, que trouverait-on ? C’est visiblement une histoire qui compte des épisodes plutôt que quelque événement supérieur et dominant. Pour tous les pays, il y a des épreuves domestiques, des travaux intérieurs, des crises d’industrie et de finances, des efforts diplomatiques ; on ne voit rien qui fasse de la vie européenne un de ces drames où chacun vient prendre sa place et son rôle.

En ce moment même, les difficultés qui ont trait à l’organisation des principautés du Danube, et qui ont été léguées par la dernière guerre, ces difficultés sont encore à résoudre. L’Angleterre a trouvé sa tragique diversion dans les Indes, et elle n’attend d’avoir abattu les cipayes révoltés que pour se tourner vers la Chine. La Russie semble se montrer disposée à se rapprocher de la civilisation occidentale en annonçant une lente et progressive transformation de l’état de ses populations rurales. Et si l’on étend son regard vers d’autres pays, chacun a ses affaires propres. L’Autriche réduit son armée pour suffire à ses besoins financiers, qui sont toujours grands, et