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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/281

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mémoire, et que rendent plus saisissans de petites histoires propres à faire impression sur les esprits. Il serait important de connaître si ces deux systèmes religieux ont eu une action efficace sur ka moralité des populations. Pour ce qui regarde le djinisme, l’enquête ne serait pas impossible, puisqu’il existe encore, mais il compte ses sectateurs en grande partie parmi les vaïcyas, artisans et marchands dont la vie s’écoule dans l’ombre, et sous la pression d’un travail salutaire. Quant au bouddhisme, bien qu’il ait péri dans l’Inde, on peut admettre qu’au temps de sa splendeur, il dirigea les esprits dans une voie morale, par cela seul qu’il offrait toujours aux imaginations des sujets chastes et sérieux. Tant que régna cette réforme, rien de sensuelle se fit jour dans la littérature et dans les arts. Il y eut donc au moins une retenue extérieure et des habitudes de décence apparente, imposées par la rigueur des croyances officielles. Il est toutefois permis de croire que la vertu, n’avait pas jeté des racines bien profondes, dans les cœurs. Peut-être aussi le piétisme ennuyait-il à la longue ces mêmes vaïcyas, enfans des campagnes, ouvriers des villes et marchands, toujours tentés par les manifestations plus brillantes de la religion ancienne. On en trouverait une preuve dans l’empressement que témoignèrent les populations redevenues libres de leurs actions à se précipiter vers les temples brahmaniques, où les objets mêmes du culte alignent aux dernières limites du cynisme. Dès que le brahmanisme reparut, triomphant, les peuples, comme des enfans qui échappent à une discipline trop sévère, se rejetèrent avec ardeur du côté des superstitions monstrueuses. Alors furent restaurés avec un nouveau luxe de folles cérémonies, — ou même inventés, — le culte efféminé de Krichna et celui plus honteux de l’emblème civaïte. Les Hindous, soumis depuis des siècles à une loi morale mal appuyée sur un panthéisme à demi athée, subirent plus que jamais le joug du sensualisme basé sur un polythéisme désordonné.

En même, temps aussi, la vieille langue sanskrite, que les philosophies nouvelles torturaient pour la contraindre à exprimer leurs inexplicables systèmes, recouvra toute sa sève. Les monumens de la religion et de la littérature, rituel, hymnes des temps primitifs, codes de lois, poèmes épiques, récits légendaires, tout ce qui avait été relégué dans l’ombre fut remis en honneur. On se reporta avec amour et respect vers les vrais représentans du génie aryen, brahmanes ou guerriers. La renaissance était complète ; la race antique des conquérans avait retrouvé sa voie. Comme les dialectes provinciaux étaient formés, l’idiome sacré se fût altéré, de plus en plus, si les brahmanes n’y eussent mis bon ordre en s’appliquant de toutes leurs forces à en ranimer l’étude. On cite des rois, amis des belles-lettres et surtout de l’ancienne littérature, qui tinrent à leur cour