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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 13.djvu/707

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LE
THEATRE REALISTE

Le Fils naturel, comédie en cinq actes, par M. Alexandre Damas fils.



« Ce duc est un malhonnête homme, et cependant je lui tire mon chapeau : est-ce parce qu’il est malhonnête homme ? Non, c’est parce qu’il est duc. » Tel est à peu près le sens (car je cite de mémoire) d’une pensée dans laquelle un grand moraliste a voulu faire comprendre quels respects étaient dus à certains titres et à certaines fonctions, même lorsque ces titres et ces fonctions étaient la propriété d’un malhonnête homme. Ce que ce moraliste disait des titres de noblesse, je le dirais volontiers du succès : je lui tire mon chapeau, non parce qu’il est légitime, mais parce qu’il est le succès. C’est en vain que la raison voudrait lutter contre la fatalité d’un fait. La nouvelle comédie de M. Dumas a donc réussi elle réussira, et on peut dès aujourd’hui lui prédire, sans trop de hardiesse, le nombre de représentations et le chiffre de recettes (détail important !) qu’ont atteints la Dame aux Camélias et le Demi-Monde. Ce résultat bien et dûment constaté, je crois avoir rendu au dieu du succès tous les hommages qu’il mérite, et je me considère comme quitte envers l’auteur et aussi envers le public. Ce cher public ! il croit tout ce qu’on veut et accepte tout ce qu’on lui donne. Qui donc, en voyant ce public,

L’œil morne maintenant, et la tête baissée,

se conformer aux tristes pensées de nos auteurs en vogue, pourrait croire, s’il n’en existait pas des preuves authentiques et des témoins