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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/182

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Il s’en va, jusqu’en bas, couper l’herbe nouvelle.
Sur le dos du faucheur la gerbe s’amoncelle.
Pour gravir sous ce poids l’impossible chemin,
Il saisit chaque nœud de sa robuste main;
Il monte; il a touché l’étroite plate-forme.
Le voilà qui dépose enfin sa charge énorme.
Il respire. Il repart; entre les hauts piliers,
Il suit de la forêt les détours familiers.

Déjà, sur la colline adoucie en sa pente,
Un sentier plus battu vers le hameau serpente;
L’homme approche, et là-bas, sur ce tertre avancé,
Sa verte meule oscille à son pas cadencé.
Voyez! le fenil s’ouvre et s’emplit; l’herbe fraîche
Et les fleurs des sommets vont parfumer la crèche.
Tombe aujourd’hui la neige, et grondent les autans,
La vache rousse aura du foin jusqu’au printemps,
Et tes fils accroupis, se réchauffant sous elle,
Pourront s’abreuver tous sans tarir sa mamelle.

Retourne un jour encor, brun faucheur aux pieds nus,
Jusqu’à ces prés sans maître et de toi seul connus;
Emmanches-y ton fer d’un bois que rien ne rompe;
Puis, reviens. Du canton, là-bas, mugit la trompe,
Et, dans la gorge étroite où roulent des tambours.
J’entends des fantassins s’approcher à pas lourds.

CHANT DES FAUCHEURS.


Au soleil levant les faux étincellent;
La cascade en feu jette moins d’éclairs
Sous l’ardent rayon qui court dans les airs;
Avec moins de bruit ses longs flots ruissellent.
Au soleil levant les faux étincellent.

Vois, là-haut, frémir nos fiers bataillons !
La liberté souffle et grossit la trombe;
Sur chaque berceau, près de chaque tombe,
Drus comme les blés dans nos verts sillons.
Ils germent du sol, nos fiers bataillons.

La faux dans, tes mains vaut mieux que l’épée,
Montagnard fidèle aux mœurs des aïeux !
Dans l’auguste foi, dans l’honneur pieux.
Ainsi que ton cœur, sa lame est trempée.
La faux dans tes mains vaut mieux que l’épée.