Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/301

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

avec l’espérance d’en enlever la seigneurie à François Ier et d’y restaurer la république. Girolamo Morone, conseiller de Francesco Sforza, ayant reçu du pape, par les mains de Guicciardini[1], alors gouverneur de Reggio et de Modène, une somme de ducats pour lever trois mille hommes de pied, concerta avec les fugitifs de Parme, de Plaisance, de Milan, une attaque soudaine sur ces diverses villes, tandis que deux chefs du parti gibelin, Manfredo Pallavicino et Capo di Brenzi, à la tête d’une troupe d’Allemands, pénétreraient dans Como, du côté du lac. Le plan était bien combiné, mais il échoua. Gênes ne put être surprise; Como resta fermée à ceux qui tentèrent de s’en emparer, et Lescun, averti des armemens des expatriés lombards dans Reggio, où ils s’étaient réunis, s’avança contre eux pour les disperser ou les saisir. Ne se contentant point de protéger la frontière lombarde, il se porta sur les terres de l’église, et parut en armes jusqu’aux portes de Reggio[2]. Cette imprudence ne servit en rien François Ier et lui nuisit beaucoup. Lescun ne surprit point les fugitifs, et il donna un redoutable ennemi de plus au roi son maître.

Léon X n’attendait qu’un prétexte pour se déclarer : il le trouva dans la violation armée du territoire pontifical, dont il se montra courroucé au dernier point. Il conclut ouvertement avec Charles-Quint l’accord secrètement préparé depuis quelques mois. Il donna à l’empereur l’investiture jusque-là retardée du royaume de Naples, et le 29 juin, jour de la fête de saint Pierre, l’empereur lui fit présenter la haquenée blanche qui était offerte aux souverains pontifes en signe d’hommage féodal; il lui fit remettre en même temps le tribut ordinaire augmenté de 7,000 ducats d’or. Il fut convenu que les forces réunies du pape, des Florentins, sur lesquels serait affermie la domination des Médicis, et celles de l’empereur attaqueraient les Français dans la Lombardie, les en expulseraient, rendraient Parme et Plaisance au saint-siège, et replaceraient sur le trône ducal un prince de la famille des Sforza. Aux Suisses que François Ier avait envoyés à Léon X pour la conquête de Naples, le pape voulut en réunir d’autres que leva dans les cantons le nonce apostolique Ennio Filonardo, évêque de Veruli, secondé par l’infatigable ennemi de la France, le cardinal de Sion.

Les troupes pontificales et impériales entrèrent aussitôt en campagne, sous la conduite de Prospero Colonna, général fort expérimenté, qui manœuvrait avec une rare prudence, et au besoin savait agir avec une promptitude hardie. Elles étaient fortes de vingt-deux

  1. Guicc, ibid.
  2. Guicc, ibid. — Du Bellay, p. 334 à 348.