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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 14.djvu/303

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qu’au lendemain, et les confédérés décampèrent pendant la nuit.

Lautrec avait perdu trois occasions de les vaincre : à la levée du siège de Parme, au passage du Pô, à la rencontre de Rebecca. Ne les ayant ni entaillés ni devancés, il ne put s’opposer à leur réunion avec les Suisses. Ceux-ci, descendus des Alpes du côté de Chiavenna, se trouvèrent vers la fin d’octobre sur le Haut-Oglio, et joignirent les confédérés à Gambera. Lorsque l’armée de l’empereur et du pape eut reçu ce puissant renfort, elle revint sur ses pas et marcha contre Lautrec, réduit maintenant à la défensive. Faute d’argent et aussi d’habileté, Lautrec ne parvint pas à retenir sous le drapeau les Suisses qu’il n’avait pas su mener au combat, bien qu’ils l’eussent demandé à plusieurs reprises, notamment à Rebecca. Beaucoup d’entre eux, mécontens et indisciplinés, reprirent la route de leurs montagnes. Tandis qu’une partie des Suisses enrôlés au service de François Ier abandonnait Lautrec, ceux qui s’étaient engagés au service du pape uniquement pour défendre les possessions du saint-siège furent entraînés par le cardinal de Sion et par leurs chefs à pénétrer sur les possessions françaises, malgré le traité récemment conclu à Fribourg et malgré la défense expresse des cantons.

Lautrec, trop timide comme capitaine après avoir été trop emporté comme politique, se trouvant ainsi affaibli, crut pouvoir néanmoins se maintenir dans le Milanais, dont il garderait les principales villes. Il se retira derrière l’Adda. Outre Pavie, Milan, Como, Alexandrie, il avait sur le cours de l’Adda et du Pô une ligne de places fortes, telles que Lodi, Pizzighitone et Crémone; mais il ne tint pas mieux dans les villes qu’en rase campagne. Posté à Cassano, non loin des confédérés, il laissa Prospero Colonna, que les lenteurs et l’inhabileté de son adversaire avaient enhardi, franchir l’Adda à Vaury, sans troubler, comme il l’aurait pu, ce périlleux passage, hasardé presque sous ses yeux. Lorsque l’armée pontifico-impériale fut sur la rive droite de l’Adda, Lautrec se vit tourné, et fut exposé de plus à ce que l’ennemi marchât, sans rencontrer d’obstacle, vers Milan et y entrât. Quittant en toute hâte Cassano, il remonta du côté de cette capitale du duché pour la couvrir et la défendre; mais les revers devaient se presser, comme s’étaient accumulées les fautes dont ils étaient la suite et le châtiment.

A peine arrivé à Milan, Lautrec, déjà compromis par ses échecs militaires, se rendit encore plus odieux par de nouvelles violences politiques. Le vieux Cristofano Pallavicino, chef d’une des plus grandes maisons de la Lombardie, soupçonné de s’entendre avec les fugitifs milanais, avait été arraché de son château de Bussetto par Lescun avant même l’ouverture de la guerre, et jeté en prison. Son neveu Manfredo Pallavicino avait été déjà ècartelé après la malheureuse tentative sur Como, et Lautrec avait fait clouer ses mem-