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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/226

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Quand le soleil fuyait derrière le coteau,
Il relevait la tête, et, laissant la lecture
Des poètes aimés du bon temps d’autrefois,
La Fontaine ou Régnier, les auteurs de son choix,
Il contemplait d’un air songeur l’allée obscure
Du jardin assoupi dans l’ombre et la verdure :
C’était un grand enclos couvert d’arbres fruitiers,
Où les plantes poussaient à la bonne aventure;
L’herbe avait remplacé le sable des sentiers,
Des ronces se tordaient aux bras des espaliers,
Et quelques rares fleurs y venaient sans culture.
Maurice, l’âme émue et le cœur plein d’espoir,
Regardait le verger, calme à l’heure du soir.
Tandis que, dans un coin de sa chambrette nue,
Souvenir de sa mère et du jour des Rameaux,
Une branche de buis, par un christ soutenu.
S’inclinait pour bénir les rêves d’or éclos
Avec les fleurs de mai dans cette âme ingénue...

À cette heure sacrée, heureuse mille fois,
La femme qui, passant près de ce coin de terre.
Eût deviné l’amour sous ce toit solitaire.
Et sur ce cœur brûlant eût fait tomber son choix!
Qui sait combien alors de fleurs, de perles fines.
Elle aurait pu trouver au fond de ces vingt ans?
Mais vers le seuil, bordé de ronces et d’épines,
Hélas! pas une main ne vint heurter à temps :
Désirs, songea d’amour, fleurs et perles divines,
Restèrent enfouis sous les murs en ruines.

II.


Jean-Maurice était pauvre. En ce siècle d’airain,
Les rêves les plus beaux, hélas! ne font pas vivre;
Loin du toit de son père, il lui fallut poursuivre
L’idéal de nos jours, l’or qui donne du pain.
Il partit, le cœur riche et les poches légères;
Il prit le grand chemin qui conduit à Paris,
Joyeux et se disant que là-bas, à tout prix,
Il réaliserait ses rêveuses chimères. —
Paris! vieil enchanteur, que de cœurs ingénus
A fait battre déjà ton nom plein de promesses!
Combien de jeunes gens près de toi sont venus
Au prix de leurs vingt ans marchander tes largesses!