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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/33

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— Oh ! vous n’êtes pas le seul ! je ne me comprends pas moi-même. Et pourtant j’ai une idée, une idée fixe ! … Si ce diable de Stenson avait voulu parler ! mais c’est en vain que je l’ai tourmenté aujourd’hui pendant deux heures, il ne m’a rien dit que d’insignifiant. Ou il commence à divaguer par momens, ou il fait résolument le sourd et le distrait quand il ne veut pas répondre. Si j’avais su que cette Karine existât et qu’elle fût mêlée à nos affaires, j’aurais peut-être tiré quelque chose de lui, au moins à propos d’elle. Vous dites que le fils du danneman prétend qu’elle dirait bien des secrets si elle voulait ? Malheureusement c’est encore, à ce qu’il paraît, une tête fêlée, ou un esprit terrifié qui ne veut pas se confesser ! Pourtant il faut que nous venions à bout d’éclaircir nos doutes, car ou je suis fou, mon cher Christian, ou vous êtes ici dans votre pays, et peut-être sur le point de découvrir qui vous êtes. Voyons, voyons ! cherchons donc, aidez-moi, c’est-à-dire écoutez-moi. Votre figure est également un grand sujet de trouble et d’inquiétude au château neuf, et il faut que vous sachiez…

En ce moment, on frappa à la porte, après avoir essayé d’entrer sans frapper ; mais le verrou était poussé en dedans, précaution que M. Goefle avait prise sans que Christian y fît attention. Christian allait ouvrir, M. Goefle l’arrêta. — Mettez-vous sous l’escalier, lui dit-il, et laissez-moi faire.

Christian, préoccupé, obéit machinalement, et M. Goefle alla ouvrir, mais sans laisser le survenant entrer dans la chambre. C’était Johan.

— C’est encore vous ? lui dit-il d’un ton brusque et sévère. Que voulez-vous, monsieur Johan ?

— Pardon, monsieur Goefle, je désirerais parler à Christian Waldo.

— Il n’est pas ici.

— Il est rentré pourtant, je le sais, monsieur Goefle.

— Cherchez-le, mais non pas chez moi. Je travaille et je veux être tranquille. C’est la troisième fois aujourd’hui que vous me dérangez.

— Je vous demande mille pardons, monsieur Goefle ; mais, comme vous partagez votre chambre avec lui, je croyais pouvoir m’y présenter pour transmettre à ce comédien les ordres de M. le baron.

— Les ordres, les ordres ! Quels ordres ?

— D’abord l’ordre de préparer son théâtre, ensuite celui de se rendre au château neuf à huit heures précises, comme hier, enfin celui de jouer quelque chose de très gai.

— Vous vous répétez, mon cher ; vous m’avez déjà dit deux fois aujourd’hui la même chose, dans les mêmes termes… Mais êtes-