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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/477

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REVUE. — CHRONIQUE.

des cultes pas plus que les autres. On crut, après le grand et glorieux effort de 1830, avoir tout fait, puisqu’on avait conquis les conditions générales de La liberté, et en effet la liberté de la presse et la publicité complète des débats parlementaires, sous le contrôle d’une opinion vigilante, laissaient peu de place aux écarts du pouvoir administratif, et en tout cas en assuraient le prompt redressement. L’organisation de la liberté des cultes sur des bases qui lui soient propres, et qui n’aient plus à subir le contrecoup des accidens de la politique générale, demeure encore parmi les œuvres nombreuses réservées à l’avenir. Cependant que les cultes dissidens ne se laissent point troubler par des craintes excessives. Nous croyons fermement que, s’ils ont parfois à souffrir des tracasseries que leur suscite le zèle mal réglé de certains agens administratifs, ils peuvent compter sur le bon sens et sur l’équité du pouvoir. En tout cas, la presse prêtera toujours à leurs justes réclamations un puissant et, nous osons le dire, un invincible appui. Il est des causes qui sont si intimement liées à la cause de la liberté, qu’elles ne font qu’un avec elle. Telle est la cause des dissidens, exposés aux exigences arbitraires et tracassières qui croient avoir tout dit contre le droit, lorsqu’elles s’annoncent comme l’expression de la foi ou de la volonté du plus grand nombre.

Par quelle insigne maladresse ceux qui se présentent au public comme les organes du plus grand nombre en matière de culte choisissent-ils un moment où les questions religieuses entretiennent dans les esprits des préoccupations si graves pour se livrer à des excentricités dont le ridicule va malheureusement rejaillir sur les grands intérêts dont ils usurpent la défense ? Il fut un temps où ces hommes se donnaient pour des libéraux et criaient à la persécution. — Nous vous montrerons, disaient-ils fièrement, ce qu’un front baptisé peut opposer de résistance intrépide aux lois contraires à la liberté. — Ces sceptiques n’ont eu le courage de se servir de la liberté que pour tuer la liberté. Au lieu de la revendiquer aujourd’hui pour tant d’intérêts moraux à qui elle manque, ils passent leur temps à hébéter leurs amis et à divertir leurs ennemis par des discussions honteuses pour notre époque, tantôt sur la légitimité de la révocation de Nantes ou de la Saint-Barthélémy, tantôt sur des fables ridicules qu’ils décorent du nom de miracles. Nous ne voulons point nous mêler à ces polémiques sur les miracles qui ont occupé la presse depuis quinze jours. Ce mélange d’affectation pieuse et de bouffonnerie nous inspire une répugnance profonde. Les controversistes spirituels et mondains prennent plaisir aux violentes surprises que leurs paradoxes causent à leurs contradicteurs. Il est amusant parfois de faire crier l’adversaire étourdi, mystifié, révolté par quelque énormité imprévue. M. de Maistre, qui était un homme du monde et non un père de l’église, riait beaucoup de ces effets de discussion, et c’est pour s’en donner le plaisir qu’il aimait tant à tourner ses opinions en paradoxes. Il appelait ces saillies des os à ronger, et, les lançant au museau de ses adversaires, il pouffait de rire en les voyant se jeter dessus et y briser leurs dents ; mais M. de Maistre respectait assez sa croyance et se respectait assez lui-même pour ne pas engager dans ces espiègleries les intérêts les plus sacrés de la religion. Il ne jetait pas aux chiens comme des os à ronger ce qu’on pour-