Aller au contenu

Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/603

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

de M. Thiers sur le crédit foncier a signalé un des momens où la vie publique s’est révélée dans notre pays avec le plus de force et d’éclat, où la recherche du mieux s’est alliée avec le plus de sincérité à la constatation du bien possible. L’éloquent rapporteur du haut comité d’enquête, chargé de passer en revue toutes les améliorations praticables, fit justice avec une admirable lucidité des espérances excessives et des prétentions outrées qu’en matière de crédit foncier, comme sur d’autres points, la discussion venait de signaler. Les projets votés par l’assemblée législative n’aboutirent point, et ce fut en 1852 que notre pays fut enfin doté d’un établissement de crédit foncier. C’est à ce moment aussi que parut[1] un exposé de la controverse soulevée sur cette question, et qui durait déjà depuis quinze années. L’auteur du travail que nous rappelons avait signalé tous les précédens, analysé tous les ouvrages spéciaux, indiqué avec une scrupuleuse exactitude les raisons d’être de la nouvelle institution ; enfin il arrivait, quoique par des motifs différens, à des conclusions analogues à celles de l’honorable M. Thiers sur l’avenir du crédit foncier en France.

Aujourd’hui l’institution n’est plus à l’étude comme théorie ; elle a derrière elle plusieurs années de pratique. Il y a donc lieu d’émettre sur le crédit foncier non plus des prévisions, mais des aperçus précis, et de contrôler les craintes ou les espérances du début par les résultats de l’expérience. Si le succès du nouvel établissement était douteux, disait-on il y a six ans dans le travail déjà cité, la création toutefois ne présentait aucun danger, mais il s’agissait d’une opération à long terme dont les effets seraient d’abord à peine sensibles. Le rapporteur de la commission de l’assistance publique avait été plus explicite encore ; démentant les espérances dont on se plaisait à entretenir la classe trop nombreuse des propriétaires obérés, il affirmait « qu’on ne ferait pas plus descendre les capitaux jusqu’aux petits cultivateurs que par les établissemens de crédit industriel récemment imaginés on ne procurerait des capitaux à l’universalité des ouvriers ; on réussirait seulement à faire payer un peu moins cher à la propriété grande et moyenne les capitaux qu’elle emprunte, succès d’une utilité restreinte. » Paroles prophétiques à coup sûr ! Elles donnent le ton, pour ainsi dire, des dispositions avec lesquelles il convient d’examiner la marche du crédit foncier ; elles commentent à l’avance les résultats d’une expérience qui, dans ses phases diverses, mérite d’être étudiée comme un épisode curieux et instructif de l’histoire économique de notre temps.

  1. Dans la Revue du 1er février 1852.