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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/604

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I. — DE L’ETABLISSEMENT DU CREDIT FONCIER ET DE SES DIVERSES TRANSFORMATIONS.

Il a toujours paru assez difficile de fixer le chiffre exact des dettes de la propriété foncière en France. La dette hypothécaire en particulier a été évaluée, dans un consciencieux rapport de M. Chegaray, en 1851, à une somme de 8 milliards environ, non compris les hypothèques légales ou judiciaires et les soldes du prix de vente. En même temps le capital de la propriété foncière était porté à 56 milliards de francs, la dette équivalant ainsi au septième environ de la valeur de toutes les propriétés immobilières. Cette double appréciation a été fort attaquée, et par des autorités assurément compétentes ; ainsi le directeur-général de l’enregistrement lui-même, M. Tournus, n’évaluait, comme l’avoue M. Chegaray, la dette hypothécaire effective qu’à 5 ou 6 milliards, et M. Thiers en 1848, dans un débat sur le crédit foncier, portait la valeur immobilière de la France à 72 milliards. À ce compte, la dette hypothécaire n’eût représenté que le douzième de la propriété. Quoi qu’il en soit, une dette même d’un septième n’était nullement disproportionnée avec le fonds qui lui servait de garantie. Nous n’avons aucun moyen de comparer le chiffre de la dette qui grève l’industrie et le commerce avec le capital de la propriété industrielle et commerciale elle-même ; mais il semble qu’ici la proportion doit être autrement élevée. Pour les entreprises de chemin de fer seules, qui sont principalement une propriété industrielle, il est admis comme règle que le capital emprunté peut être égal à la moitié du capital social. Cette limite a, dans bien des cas, été singulièrement dépassée ; elle le sera plus encore dans l’avenir. Si, par ce seul fait, on juge de la situation générale de l’industrie, on est autorisé à penser que la propriété foncière n’était pas la plus gravement chargée ; si l’on compare ensuite avec la constitution de la propriété en France les nécessités politiques ou sociales qui, en Allemagne, ont amené la création des établissemens de crédit foncier, on reconnaîtra qu’ils n’avaient point chez nous le même caractère d’urgence. Que, pour venir en aide à une classe de grands propriétaires ruinés par la guerre et soutiens indispensables de la monarchie, le roi de Prusse ait consenti à fonder par d’onéreux sacrifices l’association provinciale de Silésie ; que, pour faciliter le dégrèvement des biens accablés de charges féodales multipliées à l’excès, les divers états de l’Allemagne aient voulu concéder des privilèges importans à des sociétés favorables aux petits propriétaires, on le conçoit sans peine, et on doit y applaudir : il y avait un intérêt véritable à seconder des efforts qui, abandonnés à eux-mêmes, eussent été peut-être impuissans. Telle n’était point notre