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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/654

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DE LA POÉSIE
DANS
SES RAPPORTS À L’HISTOIRE POLITIQUE

LA BATAILLE DE LÉPANTE. — LE POÈTE ESPAGNOL HERRERA



Au XVIe siècle, malgré le poids de l’érudition et de la controverse, malgré la servitude de l’imitation, le poète avait repris son rôle antique et vrai de conseiller du peuple, de chantre du courage et de la délivrance. Un grand péril menaçait alors l’Europe, déchirée par tant de divisions intérieures. Il est étrange, sans doute, que nous soyons à moins de trois siècles de l’époque où les Turcs, maîtres absolus des plus beaux climats de l’Occident, dominaient la Méditerranée par leurs flottes, et, délivrés de Charles-Quint, semblaient ne plus compter d’adversaires en Europe.

Il en est ainsi cependant, et l’imagination peut à peine concevoir quelle sollicitude et quel effroi se répandaient chez les peuples chrétiens au moindre mouvement des nombreuses armées de Soliman et de Sélim. L’empire turc était encore dans le cours impétueux de sa grandeur et sous l’inspiration de cette politique atroce qui semblait l’âme de sa puissance. Une succession au trône régulièrement assurée par des meurtres de famille, un gouvernement de sérail discipliné par la mort à la moindre faute ou au moindre revers, un trésor enrichi par les confiscations et le pillage, des hordes de janissaires recrutés de l’élite du sang chrétien pris et fanatisé dès l’en-