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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 17.djvu/742

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avaient des principes communs, et de là cette sincère alliance qu’ils veulent établir entre la science et la foi.

Ces nouvelles études psychologiques ont déjà été conduites assez loin pour que la philosophie pût revenir sans trop de péril à des études plus hautes encore. Il y a un an, M. Ernest-Frédéric Apelt, professeur à l’université d’Iéna, a publié un livre très remarqué. L’ouvrage portait cependant une étiquette assez compromettante ; il était intitulé hardiment Métaphysique[1]. La métaphysique ! l’Allemagne en est bien lasse. Après toutes les constructions de Fichte, de Schelling, de Hegel, après tous ces systèmes qui prétendaient donner l’explication de l’univers et qui se détruisaient les uns les autres, les derniers disciples du dernier métaphysicienne veux dire les hégéliens de l’extrême gauche, en étaient venus à déclarer que la métaphysique était morte à jamais. L’Allemagne, sur ce point, les avait pris au mot ; la science des choses premières était reléguée dans l’immense magasin des folies de l’humanité. Voici cependant un philosophe qui écrit un traité de métaphysique, et ce livre est accueilli avec faveur par les juges les plus défians. Qu’est-ce donc que cette métaphysique ? quels sont les principes qui l’animent, et à qui s’adresse-t-elle ?

M. Apelt est une intelligence méthodiquement hardie. L’Allemagne croyait naguère que tout métaphysicien devait donner un système du monde, et, pour ainsi dire, recommencer la création en l’expliquant. La métaphysique, pour M. Apelt, c’est l’ensemble des vérités premières sur lesquelles reposent toutes les sciences. Pour étudier ces vérités avec fruit, pour éviter à la fois les banalités et les hypothèses téméraires, il faut connaître les sciences elles-mêmes ; M. Apelt n’a pas cru devoir entrer dans les régions supérieures de la philosophie sans être initié aux sciences mathématiques et physiques. Son livre, au dire des juges compétens, prouve qu’il ne parcourt pas ces domaines en simple visiteur, mais en maître. Ce n’est pas un philosophe qui a interrogé les sciences par occasion, c’est un savant qui cherche la théorie philosophique de la science, ou plutôt dans l’ouvrage de M. Apelt le philosophe et le savant marchent de pair. Aristote, qui a fondé les bases de la métaphysique, ne possédait-il pas tout le savoir de son temps ? Voilà l’exemple que M. Apelt s’est proposé de suivre. Ses précédens ouvrages ; le Système astronomique de Kepler, Réforme de l’astronomie stellaire, Théorie de l’induction, Époques de l’histoire de l’humanité, étaient sa préparation à l’étude de la science qui domine toutes les autres ; Cela seul indique tout ce qu’il y a ici de méditations fortes, de labeurs et de résultats accumulés. C’est aux maîtres

  1. Metaphysik, von Dr Ernst Friedrich Apelt ; 1 vol., Leipzig 1857.