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le produit de sa chasse et montrait à Nina la manière de plumer les cailles grasses sans les endommager. Nina ne s’apercevait nullement du sentiment sympathique qui grandissait entre Marcel et Noélie. En amour, les plus intéressés sont souvent les plus aveugles, et puis la pauvre fille était fascinée par l’éclat de la chaîne d’Hector, ses breloques et les brillans boutons de son habit de chasse. Marcel et Noélie ne disaient rien, mais ils caressaient ensemble la tête soyeuse de Fox, le chien anglais du jeune chasseur, et le bel épagneul semblait se laisser magnétiser sous les passes si douces des deux mains amoureuses.

C’était un grand événement pour la famille Lavène que cette réception faite aux châtelaines de Saint-Loup. Que de questions attendaient Madeleine le lendemain à la fontaine, et quelle importance ce souper allait lui donner dans le village ! On se mit à table au roulement affaibli du tonnerre, qui se retirait majestueusement. Après souper, on sortit. L’orage était passé. Des milliers d’étoiles scintillaient au ciel. Hector et Noélie auraient bien désiré passer la soirée au bal champêtre, où avaient été disposées de fort jolies illuminations ; mais Mme de Presle avait sa migraine, il fallut partir. La châtelaine pria son hôte de l’accompagner avec une lanterne ; elle avait si peur des ronces, des cailloux et des serpens ! Maître Lavène marchait le premier, son fanal à la main ; puis venait la chancelante Parisienne, appuyée sur la vieille nourrice. Noélie et Hector fermaient la marche ; mais celui-ci, se dégageant doucement du bras de sa sœur, lui dit à voix basse : — Noélie, j’ai grande envie de danser le fameux galop, je reste au bal ; notre mère n’en saura rien, ne me trahis pas ; M. Marcel voudra bien me remplacer auprès de toi.

Et sans attendre la réponse, le jeune étourdi courut rejoindre les danseurs, se promettant de faire une cour assidue à sa jolie hôtesse Rose, dont il avait fort admiré la beauté. Marcel, tout ému du bonheur que lui laissait Hector, mit en tremblant la main de la jeune fille sur son bras. Noélie ne dit rien de peur d’éveiller les soupçons de sa mère et d’attirer une réprimande à son frère, et la petite caravane se mit en marche avec un certain recueillement.

Un religieux silence régna d’abord parmi les voyageurs : maître Lavène aurait cru, en parlant le premier, enfreindre toutes les lois de l’étiquette. On était arrivé au pied du pic de Saint-Loup, quand la lune vint éclairer doucement l’étrange et sombre silhouette de ce géant des rochers. Le pic de Saint-Loup a fourni le thème de plusieurs légendes méridionales. Voici la plus accréditée, et celle que raconta d’une voix timide Marcel à Noélie. De splendides trésors sont entassés sous la base colossale du rocher. Il est une porte secrète