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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/137

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de faire disparaître les blancs au milieu des Mongols et des Chinois « comme des aiguilles dans la paille. » La chambre de commerce se réunit en conférence extraordinaire pour agiter la question chinoise et délibérer sur les cinq articles suivans : — Les traités entre la Grande-Bretagne et la Chine permettent-ils à une colonie anglaise d’exclure les natifs chinois? — Le gouvernement de Victoria a-t-il le droit de restreindre le mouvement qui s’opère entre ses ports et ceux de la Chine? — Quels résultats une loi d’exclusion relative aux Chinois peut-elle avoir sur la vie et les propriétés des sujets anglais résidant en Chine? quels résultats sur le commerce de la Grande-Bretagne et des colonies australiennes avec la Chine? — Quelles seraient les mesures propres à établir la paix et l’harmonie entre les Chinois et les colons blancs?

En présence de ces nouvelles menaces, les Chinois conçurent des craintes sérieuses; ils discutèrent les moyens de détourner le péril, confièrent à un des vieillards qui les avait amenés le soin de leur défense, et voici quel fut le plaidoyer de John Chinaman :


« Quang-chew, nouveau débarqué, homme sain de raison et d’affections, et cinquième cousin du mandarin Ta-quany-tsing-loo, qui possède plusieurs jardins près de Macao.


« Bon peuple de la région attrayante de l’or, moi, homme de quelques années d’âge au-delà des Chinois débarqués sur la plage hospitalière de vos champs jaunes, et désirant d’abord exprimer avec respect la gratitude et l’humilité que je porte dans mon cœur ainsi que tous mes compagnons de voyage, sans oublier ceux qui sont modestement en chemin; moi, homme de modération et de prudence, sachant, selon le sage précepte de Cung-foo-t’see et de Lao-shang, examiner la question sous les deux faces avant de me prononcer, je ne puis trouver de mots pour exprimer la surprise que me causent les bambous noueux et mal taillés qui, selon le rapport de notre interprète Atchaï, menacent les épaules des émigrans du Céleste-Empire-Fleuri, notre lointaine terre natale.

« L’homme est sujet à bien des erreurs, entouré de bien des ténèbres; il doit se soumettre avec résignation. Il faut qu’il soit patient et respectueux, toutes les bonnes lois enseignent cela, et les Chinois honorent et respectent les lois, parce qu’elles sont les plus belles fleurs et les plus beaux fruits que le soleil du ciel ait extraits des racines de la sagesse. De plus l’homme doit se courber comme un arc devant les gouverneurs et les supérieurs, car eux-mêmes sont les racines de la sagesse. Aussi, avec toutes les cérémonies d’usage, souhaitons-nous d’approcher et de nous courber devant le gouverneur de cette ville.

« En quoi donc nous, Chinois, humblement débarqués sur vos délicieuses plages, avons-nous pu donner justement cause à votre colère? C’est ce que nous souhaitons tous d’apprendre. L’homme en tout temps a besoin d’instruction, et surtout lorsqu’il vient sur une terre étrangère. Notre interprète Atchaï n’a pas voulu nous ménager une déception ; Atchaï est un digne jeune homme, autrefois agent de Houqua et Mowqua, marchands de