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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/138

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thé; mais il peut avoir mal interprété vos débats et nous les avoir mal rapportés. Telle est mon opinion et celle d’autres gens respectables.

« Je sais par le témoignage de plusieurs personnes distinguées de notre pays, et j’ai été convaincu par d’autres qui ont vécu en Australie et sont retournées dans le Céleste-Empire-Fleuri, que non-seulement le peuple d’Angleterre vient ici, mais encore celui de l’Inde, du Japon, d’Amérique et même des terres de France et d’ailleurs; qu’aucun peuple d’aucune contrée civilisée où les arts et les travaux utiles sont étudiés d’après les plus sages et les plus anciennes traditions et appliqués avec succès n’est exclu, mais qu’il est au contraire cordialement accueilli des deux mains et au son des triangles et des tam-tams. Donc, en raison de cela, en toute révérence et avec toutes les cérémonies d’usage, moi, l’orateur de ceci, Quang-chew, homme très humble, mais de quelque raison, je ne puis penser que le gouverneur, qui tient dans sa main la balance de la sagesse, que ses hauts et sages conseillers (ses mandarins d’écorce d’orange) proposent que toutes les nations soient bienvenues, excepté la nation chinoise. J’en appelle à vous tous, peuples divers de l’attrayante contrée de l’or : ne serait-ce pas un procédé manquant de justice et de droiture? A la pensée d’être renvoyés misérablement et sans avoir causé d’offense, bien qu’innocens, bien que purs de toute faute, nous sommes remplis de crainte.

« Parmi nous, il y a des hommes habiles dans le jardinage et sachant cultiver toute espèce de fleurs et de fruits, des charpentiers et des ouvriers qui travaillent les bois précieux et l’ivoire ; nous avons de fins agriculteurs qui savent comment on tire parti d’un bon et d’un mauvais sol, particulièrement Leu-Lee et ses cinq neveux ; nous avons aussi deux ouvriers qui sont habiles à ornementer les ponts, et un homme plein d’adresse, nommé Yaw, qui excelle dans l’art de faire des cerfs-volans aux ailes immenses, avec de grands yeux en verre. Nous recommandons encore le petit Yin, qui s’entend à l’éducation des poissons, oiseaux, chiens, chats. Enfin nous avons aussi d’excellens cuisiniers qui ne permettent pas que rien soit gâché ou perdu, des serruriers, des ciseleurs, des hommes habiles à faire des ombrelles, et bien d’autres. Faut-il que tous ces talens soient renvoyés avec disgrâce? Si par malheur il en est parmi nous qui, dans l’ignorance de vos lois, aient commis quelque offense, punissez-les. Il y a deux manières d’instruire les hommes, les sages préceptes et les châtimens. Voilà ce que j’avais à dire ; mais il faut que je parle un peu de l’or.

« J’ai beaucoup réfléchi sur ce sujet, et je puis affirmer que chacun de nous n’est pas appelé à trouver une fortune. Quelques-uns même ne trouveront rien du tout. Alors ces pauvres gens reviendront dans cette ville ou iront dans les autres, dans les villages, dans les fermes, et vendront leur temps pour un bien mince salaire, pour un peu de riz... Une immensité de terres au-delà de cette ville n’a jamais été cultivée, et moi, Quang-chew, l’orateur de ceci, homme plein d’humilité, mais de quelque raison, je suis certain que beaucoup de ceux qui ont eu le bonheur de trouver de l’or sont aujourd’hui possesseurs d’une large portion du sol. La possession de la terre fait les délices de l’homme; il est fier de dire : « Mon enclos, mon jardin, ma ferme. » Mais ces terres sont encore incultes, et cela parce que ceux à qui elles appartiennent sont accoutumés seulement à travailler dans les mines