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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/282

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le séjour le plus délicieux de l’Attique, à Colonne, riche en coursiers… Là fleurit chaque jour, sous la rosée céleste, le narcisse au calice gracieux, antique couronne des grandes déesses. Sur cette terre croît un arbre que ne possède ni l’Asie ni la grande île dorienne de Pélops, arbre qui ne fut pas planté par une main mortelle, qui vient sans culture, et devant lequel reculent les lances ennemies. INulle part il ne pousse plus vigoureux que dans cette contrée. C’est l’olivier au pâle feuillage. »

Des hommes vêtus de blanc, avec un air sérieux, passaient au loin parmi les arbres. La ville, dont on apercevait les tours blanches, était séparée de nous par des haies épineuses de nopals et d’aloès. Des cavaliers « dompteurs de coursiers » cheminaient sur une étroite chaussée entre la montagne et nous, à demi nus, sans selle, et maniant de petits chevaux à mâchoires nerveuses, à courtes oreilles, à qui nous trouvions des airs thessaliens.

Aujourd’hui le bois sacré de Blidah n’est plus reconnaissable. Tout y dépérit. Les oliviers au pâle feuillage se découronnent ; il n’est plus possible de trouver de l’ombre à leur pied, tant est rare et misérable la maigre verdure qui tremble au bout de leurs immenses rameaux. « Les lances ennemies n’ont pas reculé devant eux, » et ni Jupiter protecteur des oliviers sacrés, ni Minerve aux yeux bleus, n’empêcheront qu’ils ne soient extirpés du sol par une main étrangère.

Le marché arabe ne se tient plus ici depuis longtemps, quoiqu’il n’y ait pas dans Blidah de place plus pittoresque pour un marché. Tu y verrais maintenant des baraques, presque constamment des bivouacs militaires et des tranchées faites pour amener les eaux, secours tardif qui ne ressuscitera pas le bois expirant. Seul le marabout subsiste, toujours éclairé à l’intérieur d’une quantité de bougies roses et de petites lampes, toujours exhalant, comme une chapelle, une chaude et mystérieuse odeur de cire qui se consume et d’encens. Il durera autant que la superstition, c’est-à-dire très probablement plus que les oliviers.

Une agréable nouvelle que je ne t’ai pas dite : les cigognes sont arrivées. J’ai vu l’autre jour leur premier courrier. C’était le matin de très bonne heure ; beaucoup de gens dormaient encore dans Blidah. Il venait du sud, porté par une légère brise, s’ appuyant, sans presque les mouvoir, sur ses grandes ailes à l’extrémité noire, le corps suspendu entre elles « comme entre deux bannières. » Une troupe de ramiers, de corneilles et de petits milans lui faisaient un joyeux cortège, et saluaient sa bienvenue par des battemens d’ailes et par des cris. Des aigles volaient à distance, les yeux tournés vers le soleil levant. Je vis la cigogne, suivie de son escorte, descendre