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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/676

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Le jour même où l’autorité supérieure militaire passait ainsi en d’autres mains, le général de brigade Wilson quittait Meerut pour aller rejoindre, sur un point convenu d’avance, la colonne qui d’Umballa marchait déjà vers. Delhi. Il est bon de remarquer qu’à cette date l’Oude et les provinces adjacentes étaient encore soumises, quoique frémissantes. La première insurrection de Lucknow éclata le 30 mai seulement, celle de Cawnpore le 5 juin; celle de Bénarès, aussitôt étouffée par le terrible Neill, « à force de pendaisons illimitées (by dint of illimited hangings)[1], » avait eu lieu le 4 ; celle d’Allahab ad est du 6, ainsi que celle de Fyzabad et de Goruckpore. Il est probable que si tous ces sinistres événemens eussent été connus à Meerut et dans le Pendjab, l’audace anglaise, si large part qu’on lui fasse, n’aurait pas été jusqu’à jeter devant Delhi une colonne d’attaque évidemment hors d’état d’entreprendre le siège d’une place aussi vaste, aussi bien munie et fortifiée, et dont la garnison présentait déjà un effectif redoutable.

Quoi qu’il en soit, le général Wilson partit le 27 mai de Meerut. Deux prêtres étaient attachés à sa petite armée, un catholique et un protestant, lesquels, par parenthèse, vivaient en fort bonne intelligence. C’est le dernier qui nous a conservé les souvenirs de cette marche hardie, où il faut nous le représenter en. costume laïque, avec barbe et moustache, — ce dont il s’excuse, — sur un pony d’emprunt, suivi d’un syce (palefrenier) portant un fusil dont l’honnête chapelain pouvait s’armer au besoin. La saison était brûlante. On s’arrêtait au point du jour, on marchait toute la nuit. Après la troisième étape, c’est-à-dire le 30 mai, on avait fait halte sur les bords de la rivière Hindun, tout auprès d’un pont suspendu qu’on devait traverser le soir même, et personne ne songeait que l’on dût rencontrer les rebelles avant Delhi, lorsque tout à coup, sans que les vedettes ou les officiers curieux qui flânaient à l’avant-garde eussent signalé aucun corps ennemi, les clairons sonnèrent aux armes vers quatre heures de l’après-midi. Presque aussitôt arrivèrent en bondissant les boulets cipayes, dont le premier blessa un porteur de palanquin sur le seuil même d’une tente-hôpital.

Nous pourrions, grâce au chapelain de Meerut, raconter le combat ou plutôt les combats de Ghazeeooddeennuggur, dire comment fut pris, seulement le second jour, ce village au nom baroque, combien le 60e (rifles) se distingua en enlevant cinq canons le premier jour et douze le lendemain à un ennemi bien retranché, bref

  1. Mead’s Sepoy Revolt, p. 128. Le premier ordre du jour du colonel Neill, en arrivant quelques jours plus tard dans Allahabad, donnait deux heures aux pillards pour rapporter les objets volés. Passé ce délai, tout détenteur de ces objets devait être pendu. Ibid., p. 133.