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Page:Revue des Deux Mondes - 1858 - tome 18.djvu/761

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sur une plus grande échelle, il augmentait les enrôlemens des troupes irrégulières. M. Cooper porte le chiffre de ces enrôlemens à 28,000 environ, chiffre énorme si l’on veut bien réfléchir qu’il fallait pourvoir en même temps à l’équipement, à l’entretien de ces nouvelles levées, et aux besoins matériels des cipayes qu’on retenait, quoique désarmés, sous le drapeau. Grâce à ces mesures de haute politique, au prestige de son nom, à l’habileté diplomatique avec laquelle il paralysa toute hostilité du Caboul, et maintint le Cachemyr, — non sans peine, — dans les termes d’une étroite alliance, sir John put immédiatement faire droit aux demandes de secours qui lui arrivaient de Delhi. A mesure qu’il désarmait une brigade cipaye, un régiment anglais se trouvait disponible, et il l’expédiait aussitôt. Il choisissait aussi parmi les contingens sikhs et ghourkas les corps d’élite comme le bataillon de Sirmoor, le bataillon de Kumaon, et il les dirigeait vers Delhi. Enfin son dernier effort, — d’autant plus méritoire que l’esprit de révolte, loin de s’éteindre, semblait se ranimer dans le Pendjab, — son dernier effort fut accompli le jour où il se priva de Nicholson et de la colonne mobile qui venait, sous le jeune général, de rendre des services si éclatans[1].

A partir de ce moment; certain d’avoir outre-passé la limite des sacrifices que la prudence pouvait lui permettre, sir John Lawrence, de concert avec le chef intrépide qu’il venait de députer ainsi, insista sans relâche auprès du général Wilson pour le déterminer à frapper le coup décisif. Celui-ci cependant hésitait encore, et à bon droit. Son artillerie était notoirement insuffisante pour les dernières opérations qui lui restaient à tenter, et où il ne lui était pas permis d’encourir le moindre échec. Retardé par les pluies et les inondations, le train de siège qu’il attendait avec impatience ne lui parvint que le 4 septembre, sous l’escorte d’un détachement du 8e (anglais) et d’un demi-bataillon de Beloutchies (corps irrégulier de Bombay). Il trouva le camp sous la favorable impression d’un succès tout ré- cent. Le 1h août en effet, l’ennemi avait envoyé, précisément à la rencontre du convoi d’artillerie annoncé depuis longtemps, une colonne d’attaque évaluée à six mille hommes au moins, qui s’était rapidement portée sur les derrières de l’armée, à une distance d’environ dix-huit milles. Le 25, Nicholson partit dans la même direction à la tête d’un corps composé de presque toute la cavalerie disponible et de quatre régimens d’infanterie; il avait aussi deux compagnies d’artillerie à cheval. Le soir même, à six heures, par une journée de pluie, par des chemins détrempés et presque impraticables, il était

  1. La colonne amenée par Nicholson à Delhi se composait de mille fantassins anglais (six cents hommes du 52e, quatre cents du 61e), de deux cents cavaliers du Moultan, et de la 17e batterie d’artillerie légère, commandée par le colonel Bourchier.